Homélie du 1 septembre 2024

 Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes 

22ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine II du Psautier) - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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C'est l'accueil qui purifie

Jésus semble ne pas se faire beaucoup d'illusions sur notre cœur. À l'entendre énumérer tout le mal qui en sort, y a-t-il encore de la place pour quelque chose de bon ? Notre cœur serait-il tout à fait perverti ?

Mais il ne faut pas isoler la dernière phrase de cet évangile. Elle vient en conclusion à une intervention assez violente sur la vraie pureté. Jésus y insiste bien plutôt sur la bonté de la création, quand «  il déclare que tous les aliments sont purs  ». Mais il est vrai qu'à certains moments, comme ici, il peut être catégorique et très dur. Il réagit tout particulièrement quand il rencontre des personnes qui séparent et qui excluent. La Bonne Nouvelle qu'il nous apporte est que le Père des Cieux «  fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes  ». Or la tendance à séparer le pur de l'impur finit donc par exclure non seulement des choses, mais surtout les personnes. Et là il réagit avec force.

Jésus a souvent dû aborder cette question, pour dénoncer la façon dont certains en faisaient un alibi pour échapper aux exigences les plus importantes de la religion. L'épitre de saint Jacques que nous venons d'entendre (Jc 1,27) réagit dans le même sens : «  La manière pure de pratiquer la religion, c'est de venir en aide aux plus pauvres  », - et pas d'obéir aux interdits. Car l'obsession de pureté aboutit toujours à l'exclusion.

Cette démarche d'exclusion était en effet caractéristique pour la religiosité de nombreux Israélites, alors colonisés par des étrangers. Ils confondaient souvent l'exclusif avec l'essentiel, -- celui dont parle le Deutéronome, les paroles du Seigneur qui font vivre. Ils voulaient à tout prix préserver l'identité, l'existence même de la nation, en rejetant tout ce qui venait d'ailleurs, des Romains, des Grecs. Nous savons que Jésus a souvent scandalisé ses contemporains en accueillant un centurion romain, une Syro-phénicienne, une Samaritaine, une femme de mauvaise réputation. Mais c'est en les accueillant qu'il en a fait des fils et des filles du Royaume.

Et saint Paul, à son tour, rappellera que ce qui fait l'identité du croyant est précisément le contraire de l'exclusion : c'est l'accueil : «  En Christ, il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre ; il n'y a plus l'homme et la femme  ». (Gal 3,28) Le meilleur de la tradition chrétienne a continué en ce sens. Dans le prolongement de cette démarche d'accueil, le concile Vatican II a insisté sur l'ouverture à toutes les réalités de notre monde actuel. Au sujet des autres religions, un document du concile précise même : «  L'Église ne rejette rien de ce qui est bon et vrai dans toutes ces religions  ».

Ainsi ce passage de l'évangile de Marc n'a pas qu'un intérêt historique, parce qu'il permettrait de mieux connaître le contexte dans lequel Jésus a dû annoncer son évangile. Il est lui-même une annonce de l'Évangile de l'amour universel ! Le Christ a donné sa vie «  pour la multitude  », comme nous le disons à chaque messe. Et saint Paul précise : «  Il a détruit le mur de séparation : dans sa chair, il a supprimé la haine, cette loi des préceptes avec leurs observances.  » (Ep 2, 14)

L'évangile d'aujourd'hui est donc surtout le témoin de cette ouverture radicale et même de ce retournement que Jésus a opéré dans la religion de son temps. Cette révolution avait déjà commencé avant lui, grâce aux prophètes, surtout Jérémie et Isaïe, qu'il cite d'ailleurs : «  Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi  » (Is 29, 13). Seulement, avec le temps, et surtout avec le traumatisme de la colonisation subie, l'essentiel de la Loi avait été étouffé par les préoccupations d'une mentalité 'obsidionale'. Le souci principal de Jésus consiste alors à revenir au cœur de la religion, - au cœur toujours pur au plus profond de chacun. En effet, plus profond que tous ces vices qu'il dénonçait à la fin de l'évangile d'aujourd'hui, notre cœur est fondamentalement pur, unifié, un cœur simple, - comme Jésus lui-même est «  doux et humble de cœur  ».

Or, mes sœurs, mes frères, ce message-là est tout à fait d'actualité. Aujourd'hui, plus que jamais, il nous est nécessaire de rester en contact avec notre cœur, avec le plus vrai de nous-mêmes, là où nous sommes entièrement sincères, humbles, -- et libres vis-à-vis des prescriptions extérieures. Nos traditions religieuses étaient souvent retombées dans une mentalité légaliste. Puis, depuis une cinquantaine d'années, on a supprimé les derniers interdits, de la viande le vendredi ou encore du jeûne eucharistique. Mais, si cette libération des préceptes extérieurs n'est pas accompagnée d'un retour au cœur, et d'un nouveau développement de la conscience personnelle, on aboutit à un effondrement de toute religion. C'est pourquoi il est si important aujourd'hui de veiller sur notre cœur.

Il est cette bonne terre dont parle la parabole, une terre à cultiver en profondeur, pour que la parole de Dieu puisse y être semée, croître et porter des fruits au centuple. Cette 'culture' du cœur suppose d'abord que nous enlevions les pierres et les ronces de nos préoccupations égoïstes qui écrasent et étouffent. Elle demande aussi que nous sachions interrompre notre agitation et arrêter quelquefois le mouvement qui nous projette à la superficie de nous-mêmes, pour que nous puissions rétablir le contact avec notre cœur profond, en particulier par la prière, la 'prière du cœur', une prière intérieure, régulière.

Ce n'est en tout cas pas en se méfiant de tout ce qui vient de l'extérieur, saleté sur nos mains, aliments interdits, fréquentations insolites ou autres influences, que notre cœur peut préserver sa pureté. Car c'est l'accueil qui le purifie, parce qu'il nous libère de tout retour sur nous-mêmes. C'est l'accueil qui le purifie, parce qu'il est alors habité par l'espérance, l'espérance d'une rencontre qui peut nous convertir.

Oui, «  les cœurs purs verront Dieu  », et pas seulement sa face éblouissante, dans un avenir probable, au ciel ; ils verront la face humaine de Dieu dans leurs frères et sœurs, en tout humain, surtout le plus démuni, dans le partage du pain, et aussi dans la nature, partout. Telle est la religion de Jésus. Introduction

À partir de ce 22ème dimanche nous revenons à l'évangile selon saint Marc. Les dimanches précédents, le chapitre 6 de saint Jean nous révélait des mystères essentiels de notre foi, et nous mettait au défi d'y adhérer par toute notre vie. Aujourd'hui nous retombons dans un texte plus anecdotique, semble-t-il. Des questions de pureté rituelle qui ne nous concernent pas tellement a priori.

Au début de cette eucharistie, nous sommes plutôt préoccupés de la pureté de notre cœur. Pour nous présenter au Seigneur, nous voulons donc commencer par nous pardonner du fond du cœur, et nous accueillir les uns les autres, de tout cœur, parce que c'est l'accueil qui purifie, comme Jésus nous le dit dans l'évangile. C'est ainsi que nous pouvons former une assemblée de prière où Dieu est vraiment au centre.

Aujourd'hui nous sommes encore invités à élargir davantage notre prière. Ce 1er septembre est en effet la 'Journée de prière pour la sauvegarde de la Création' que notre pape François a instaurée, à la suite du Patriarche Bartholomée. Plus que jamais, notre messe sera donc une 'messe sur le monde', comme le disait Teilhard de Chardin, une célébration où nous pourrons développer notre souci, notre soin pour notre planète, 'notre maison commune', et pour tous ses habitants, à commencer par les humains. Car c'est une «  terre bénie de Dieu, un monde créé pour la louange  ». Oui, commençons donc par «  acclamer le Seigneur de l'univers  ».

 

Vous n'ajouterez rien à ce que je vous ordonne? vous garderez les commandements du Seigneur

Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. Vous n'ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n'y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s'écrieront : ?Il n'y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !' Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l'invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd'hui ? »

- Parole du Seigneur.

Dt 4, 1-2.6-8

Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son c?ur. Il met un frein à sa langue.

Il ne fait pas de tort à son frère et n'outrage pas son prochain. À ses yeux, le réprouvé est méprisable mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il ne reprend pas sa parole. Il prête son argent sans intérêt, n'accepte rien qui nuise à l'innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable.

Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5

Mettez la Parole en pratique

Mes frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d'en haut, ils descendent d'auprès du Père des lumières, lui qui n'est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses. Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c'est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l'écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c'est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde.

- Parole du Seigneur.

Jc 1, 17-18.21b-22.27

Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes

En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées. - Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s'être aspergés d'eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d'autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu'il est écrit : Ce peuple m'honore des lèvres, mais son c?ur est loin de moi. C'est en vain qu'ils me rendent un culte ; les doctrines qu'ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »

Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l'homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur. »

Il disait encore à ses disciples, à l'écart de la foule : « C'est du dedans, du c?ur de l'homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 7, 1-8.14-15.21-23