Une homélie de fr. Bernard poupart
Dans les versets du Deutéronome que nous avons entendus, Moïse veut ranimer et fortifier la confiance du peuple en son Dieu: « Cherche d'un bout du monde à l'autre, tu ne trouveras pas un peuple à qui il est arrivé quelque chose d'aussi grand que tout ce que Dieu a fait pour toi! » Et il en donne la leçon: « Sache donc aujourd'hui et médite cela dans ton coeur: le Seigneur est Dieu là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre. »
Nous ne pouvons certes pas nous appliquer strictement ces paroles: il y a bien d'autres communautés qui ont eu et qui ont encore d'aussi belles et d'aussi fortes expériences que la nôtre. Mais nous avons la joyeuse liberté d'être fiers de notre histoire et d'aimer notre présent.
Il faut le dire à ceux qui sont tentés de distiller la sinistrose, ceux qui ne savent regarder l'avenir qu'avec inquiétude et qui voudraient nous en gâcher le présent.
Oui, notre histoire est belle, nous avons porté de beaux fruits, et nous n'avons pas seulement l'espérance mais l'assurance d'en porter encore. Les vieux pommiers ne donnent pas de vieilles pommes.
Depuis des années, on nous rabâche la même préoccupation: que sera Clerlande dans l'avenir? Il m'est revenu que certains viennent encore d'enfoncer le coin. Ne voyez-vous pas que l'avenir sera le fruit de notre aujourd'hui? Et aujourd'hui nous assumons tous ensemble nos engagements avec une belle détermination.
Nous savons que nous pouvons compter les uns sur les autres. Nous devons certes faire preuve d'une sage prévoyance, mais pas trop. Il faut aussi laisser à l'avenir ses chances, car il n'a pas que des menaces, il a ses promesses.
Nous lisions le prophète Joël à Pentecôte: « Vos anciens feront des songes et vos jeunes gens auront des visions ». Que les plus jeunes nous enchantent donc par leurs visions de l'avenir, qu'ils soient visionnaires, et que les anciens songent à tout ce que Dieu a fait pour nous et qu'ils nous en délivrent l'assurance qu'il fera encore mieux.
Que nous dit Jésus aujourd'hui? « Allez! Je suis avec vous tous les jours. »
Nous célébrons aujourd'hui la Sainte Trinité. Cette appellation de Dieu n'est pas très poétique, ni les triangles qu'on en a dessinés. Nous sommes monothéistes.
« Le Seigneur est Dieu, dit le Deutéronome, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ». Mais Jésus nous a découvert le merveilleux mystère de Dieu: il n'est pas une monade, ni un Narcisse s'épuisant à se contempler lui-même. Il est un foyer de communion entre le Père qui est la source de toute vie, son Fils bien-aimé qui naît de lui, et l'Esprit qu'ils profèrent de l'un à l'autre. Et même cette communion qui est l'être de Dieu ne l'épuise pas encore: il en appelle d'autres à l'existence, il se retire pour les laisser être. L'infini fait naître la multitude.
La finale de l'évangile de Mathieu est surprenante: Jésus ressuscité apparaît aux disciples en Galilée, ceux-ci se prosternent devant lui, mais certains ont des doutes. Or c'est eux tous, même ceux qui doutent, que Jésus envoie à toutes les nations. Cela ne signifie pas qu'il dissipe leurs doutes, mais même avec leurs doutes il les envoie. Et à leurs doutes il oppose sa force de ressuscité: « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc! »
Ils sont bien précieux pour nous ces doutes des disciples en présence même de Jésus vivant. Ils nous rejoignent quand nous sommes dubitatifs, hésitants, pusillanimes, quand nous doutons de nous-mêmes, de nos capacités, alors même que l'évangile nous est confié pour être annoncé au monde. « Allez donc avec vos doutes, mon pouvoir sera plus fort, et mon message passera à travers vous. »
Il faut nous rappeler sans cesse que ce n'est pas nous qui sommes en jeu, ce n'est pas Clerlande, c'est l'évangile du Christ Jésus.
Nos pays d'Europe sont parsemés de ruines de splendides abbayes que nous entretenons avec piété. Que nous disent les ruines? Que nos aînés ont fait rayonner l'évangile en leur temps. Leurs oeuvres ont certes été passagères même avec toute leur gloire, mais le grand fleuve de l'Église poursuit son cours avec ses méandres, ses cascades et ses sinuosités.
« Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde ».
Comme il nous faut voir large et regarder loin! Les orages ne manqueront pas, ni les crises, ni les déboires. Mais sache-le et médite-le dans ton coeur: le Seigneur est Dieu là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre. Dieu seul suffit à nos désirs, et il les comble.
Il nous arrive assez souvent de dire que les moines cherchent Dieu, ce qui faisait dire à un enfant: « Depuis le temps que vous le cherchez, l'avez-vous trouvé? »
Oui, nous le trouvons chaque jour dans sa Parole, et aussi dans le monde quand nous savons le déchiffrer. Disons donc que les moines, et tous les disciples avec eux, trouvent constamment Dieu partout car son amour palpite au coeur du monde.
Le Dieu trois fois saint qui est une communion brûlante entre le Père, le Fils et l'Esprit, Dieu est là pour nous, à nous, offert à notre adoration. Paul l'écrivait aux Romains: « Poussés par l'Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant Abba! » Libérons ce cri de la prière qui exprime l'audace et la liberté des enfants de Dieu.
Moïse disait au peuple : « Interroge donc les temps anciens qui t'ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l'homme sur la terre : d'un bout du monde à l'autre, est-il arrivé quelque chose d'aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d'une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants - comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? Sache donc aujourd'hui, et médite cela en ton c?ur : c'est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n'y en a pas d'autre. Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd'hui, afin d'avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours. »
- Parole du Seigneur.
Dt 4, 32-34.39-40
Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu'il fait. Il aime le bon droit et la justice ; la terre est remplie de son amour.
Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l'univers, par le souffle de sa bouche. Il parla, et ce qu'il dit exista ; il commanda, et ce qu'il dit survint.
Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine.
Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier. Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi !
32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22
Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n'avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c'est en lui que nous crions « Abba ! », c'est-à-dire : Père ! C'est donc l'Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.
- Parole du Seigneur.
Rm 8, 14-17
En ce temps-là, les onze disciples s'en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Mt 28, 16-20