Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chers frères et soeurs. L'Église, chaque année en ce dimanche entre Noël et le premier jour de l'an, nous invite à méditer la sainte Famille. C'est un jour où normalement on essaie de se retrouver en famille, parents et enfants, parfois sur trois, voire sur quatre générations. Aujourd'hui, par prudence, cela n'est pas possible comme par le passé. Mais on multiplie les messages per téléphone, whatsapp et autre moyens de communication, avec humour, fraîcheur, poésie, bienveillance. Peut-être que même à l'instant, séparés dans l'espace, certains parents et enfants suivent la même émission et recueillent ensemble le même message qu'ils pourront reprendre par la suite au téléphone. Soyons inventifs en deçà des règlements et prenons le temps de recueillir ce que la Parole de Dieu tient à nous dire aujourd'hui. Elle parle notamment du comment continuer à croire dans la Vie et dans le Maître de la Vie, au milieu de toute sorte d'épreuves. Invoquons le Christ, « venu pour que nous ayons la vie et que nous l'ayons en abondance », comme il l'a dit.
Homélie
Chères frères et soeurs.
Dans la première lecture, tiré du livre de la Genèse, on entend le Seigneur s'adresser à son ami : « Ne crains pas, Abram ! » « Ton héritier sera quelqu'un de ton sang ». « Regarde le ciel et compte les étoiles si tu le peux. Telle sera ta descendance ». Et Abram eut foi dans le Seigneur. Le Seigneur visita Sara comme il l'avait annoncé ; il agit pour elle comme il l'avait dit. Et Abram donna un nom au fils que Sara lui avait enfanté : il l'appela Isaac : « Dieu m'a donné de quoi rire ». L'enfant du rire est né !
L'auteur de l'épître aux Hébreux, dans la seconde lecture, revient sur Abraham et Sara :
Abraham obéit, grâce à la foi- Lui et sa femme Sara eurent foi en Dieu, et grâce à cette foi, Dieu passa dans leur vie comme source de bonheur, de bénédiction, de nouvelle génération, de descendance impossible à compter, comme les étoiles dans le ciel, comme le sable au bord de la mer- Tout le chapitre 11 de l'épître aux Hébreux fait l'éloge de ceux et celles qui ont cru. Grande litanie qui traverse les siècles, « grâce à la foi », jusqu'à nos jours. Nous sommes les bienheureux descendants de ces grands croyants. Abraham, Moïse, Josué, Marie, Joseph, et Jésus lui-même. Lui aussi, il a cru et ce qu'il dit aux autres, il l'a vécu en premier lieu : « Ta foi t'a sauvé ! Qu'il t'advienne selon ta foi », et son vis-à-vis retrouve la santé ou trouve le grand pardon, étant réconcilié avec Dieu, grâce à sa foi.
L'évangile
Et l'évangile, choisi pour ce jour de fête, nous raconte un épisode fameux, quarante jours après la naissance de l'enfant. Joseph et Marie amenèrent l'enfant au temple pour la purification, selon ce qui est prescrit par la loi de Moïse. À la naissance il y a du sang qui a coulé et cela requiert, dit la Loi, une purification. Même Marie donc vient au temple et se soumet à ce rite. Ils offrent en sacrifice « un couple de tourterelles ou deux petites colombes », comme le veut la Loi. Si l'on était riche, on offrait un taureau entier. Mais les plus pauvres pouvaient aussi accomplir le rite : il leur suffisait de présenter dans une corbeille deux petites colombes. Indirectement on apprend le statut social de la famille. Ils acceptent ce qui convient à leur condition humble. À trois reprises on entend le narrateur nous dire : ils font tout « comme il était prescrit par la Loi de Moïse ». Les voilà donc soumis, sans discuter de cette loi.
Or voilà que surgit dans cette action une grande surprise : on n'apprend rien du prêtre qui accueille leur don et l'offre en sacrifice. Par contre deux figures surgissent : un certain Syméon et une dame fort âgée, veuve, et toute de prière et de jeûne, Hannah. Or le texte répète jusqu'à trois fois que c'est « poussé par l'Esprit » que Syméon est venu au Temple et prononce les paroles inspirées. Et tout ce qu'il dit est prophétie ! Hannah de même prophétise, elle qui ne quitte plus le temple. « Elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem ».
L'enfant est né dans une crèche, une mangeoire, et des bergers sont venus pour éclairer l'événement : un sauveur nous est né, emmailloté et couché dans une mangeoire. Quarante jours plus tard, un sage inspiré révèle que cet enfant aura une destinée énorme : « il sera lumière pour les nations païennes et gloire de son peuple Israël » ! Plus encore, il sera un terrible « signe de contradiction » qui causera un départage entre ceux qui l'accueillent et ceux qui le refuseront- Dans les deux épisodes le narrateur précise que Marie recueillait tout cela dans son coeur. Le plus beau et le plus terrible, l'incroyable en bien mais aussi en épreuves. Quelle maturité est d'un coup exigée de la jeune maman. Plus loin elle entendra des paroles sortie de la bouche de son enfant à douze ans, « qu'elle ne comprendra pas », dit le texte, mais là aussi elle « garde ces mots dans son coeur », dans la grande mémoire qui permet à une maman de continuer à croire en son fils, même sans le comprendre tout à fait.
Notons au moins trois choses de cet épisode haut en couleurs :
Les parents ont agi en se soumettant d'un bout à l'autre à la Loi de Moïse. Cette attitude de conformité suppose foi et obéissance. Le texte le répète avec une insistance prononcée, jusqu'à trois fois. Arriverons-nous à une telle soumission sage, prudente, croyante pour le bien de tous, aujourd'hui ?
Puis, en contraste, la voix prophétique a retenti au coeur même de cette humble disposition des parents : leur vie fut croisée par l'ancien Syméon et par la voix de Hannah dans le Temple. Et ici également trois fois le narrateur précise : c'est poussé par l'Esprit que Syméon est venu, qu'il a parlé et a annoncé ce que sera la haute destinée de cet enfant, nommé « salut préparé à la face des peuples ! » Quand l'évangéliste Luc terminera son double livre de Luc-Actes, il reviendra explicitement à la dernière page sur les paroles de Syméon et rappellera combien cet Enfant a une destinée salvifique universelle, par-delà le refus de certains. La grande obéissance du départ a créé sans doute l'espace intérieur pour entendre clairement jusqu'au bout les paroles prophétique de Syméon et de Hannah ? Et si notre vie venait à être croisée par des paroles prophétiques, les entendrons-nous, avec foi et confiance pour nos lendemains incertains ?
Le troisième trait qui peut nous accompagner le reste de la journée est l'accueil que Marie fait de tout cela. Elle enregistre tout dans la mémoire profonde de son coeur. Sans commentaire, et il n'est même pas sûr que tout lui soit clair, dès ce jour-là ! Avancer dans la vie avec maturité, sans révolte, là où nous ne comprenons pas, et sans engouement même là où nous sommes émerveillés ou emballés. Portons au monde un mystère : un nouvel enfant qui est appelé à rayonner lumière et gloire, pour les lointains comme pour les plus proches.
Bien chers frères et soeurs, nous vivons tous des temps contrariés. Apprenons-nous quelque chose de Joseph et de Marie, d'Abraham et de Sara et de tous les grands croyants de l'histoire ? Les textes disent en réalité toujours deux choses : l'épreuve est assurée mais son au-delà n'est pas moins garanti par Dieu lui-même. Croyons. Espérons. Et allons de l'avant, encore et encore.
Une sainte mystique en Angleterre, contemporaine de notre Ruusbroec, Julian de Norwich, reçut du Seigneur une parole qu'elle avait au début toutes les peines à croire : All shall be well. Tout ira bien. Comment cela était-il possible : il y eût des épidémies successives dans sa ville avec bien des morts. Il y a avait des guerres brutales, au nom de la religion, une église catholique divisée avec plusieurs papes à Rome et à Avignon. Le Christ lui répétait All shall be well, avec la belle assurance : « Je puis le faire, je veux le faire, et je vais le faire ». Et elle y a cru, comme Abraham et Sara, comme Marie et Joseph, comme Jésus lui-même, malgré tant.
Retenons comme une mélodie dans le coeur : all shall be well, Tout ira bien, et avançons à travers les gestes humbles du quotidien, de la fraction du pain, du partage entre amis et pauvres, vers un lendemain nourri d'espérance.
Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton c?ur frémira et se dilatera. Les trésors d'au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t'envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d'Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l'or et l'encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.
- Parole du Seigneur.
Is 60, 1-6
Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. Qu'il gouverne ton peuple avec justice, qu'il fasse droit aux malheureux !
En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu'à la fin des lunes ! Qu'il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu'au bout de la terre !
Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront.
Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie.
71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13
Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m'a donnée pour vous : par révélation, il m'a fait connaître le mystère. Ce mystère n'avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l'Esprit. Ce mystère, c'est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Évangile.
- Parole du Seigneur.
Ep 3, 2-3a.5-6
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l'orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, venez me l'annoncer pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l'étoile qu'ils avaient vue à l'orient les précédait, jusqu'à ce qu'elle vienne s'arrêter au-dessus de l'endroit où se trouvait l'enfant. Quand ils virent l'étoile, ils se réjouirent d'une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Mt 2, 1-12