Une homélie de fr. Pierre de Béthune
Au premier abord, cette histoire des disciples envoyés en mission nous semble bien étrange, sinon tout à fait archaïque : quel rapport cela peut-il avoir avec les exigences de l'évangélisation aujourd'hui ? Quel sens cela a-t-il d'insister sur le manque d'équipement : « pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans la ceinture, (-) pas de tunique de rechange- » ? Pourquoi envoyer des missionnaires aussi démunis de moyens ? C'est comme si on demandait à un alpiniste d'escalader une paroi en le privant de corde et de piolet. Ne faudrait-il pas plutôt commencer par s'assurer que les envoyés soient bien équipés pour leur tâche difficile, surtout aujourd'hui ? Nous devons mettre à profit toutes les nouvelle techniques audio-visuelles, pour permettre à la Parole de donner toute sa force-
Eh bien, mes frères, mes soeurs, je crois, au contraire, que l'envoi en mission que l'évangile de Marc nous décrit convient tout particulièrement bien à notre temps.
Tâchons d'entendre ce texte de la façon la plus directe. Si les envoyés n'ont même pas de pain pour la route, s'ils ne sont même pas capables de survivre seuls plus d'un jour, ils seront bien obligés de demander l'hospitalité. C'est donc ainsi, comme demandeurs, comme demandeurs d'asile, que Jésus leur propose d'aller. Pourquoi ? Parce que, avant de 'donner gratuitement', il faut avoir fait l'expérience d'avoir 'reçu gratuitement' de nos hôtes. Avant de les combler de nos richesses, il faut leur avoir fait l'honneur de leur demander ce qu'ils peuvent nous donner.
Bien sûr, nous les disciples du Christ, nous avons tant à apporter, nous désirons partager, donner, au besoin, toutes nos richesses culturelles, matérielles. Et Dieu sait combien c'est nécessaire, en certaines parties du monde, et même parfois tout près de nous. Nous sommes appelés à témoigner ainsi de l'évangile, par notre générosité. Bien sûr. Mais Jésus nous rappelle ici que, si nous voulons vraiment respecter les personnes que nous rencontrons, nous devons commencer par les accueillir, et, mieux encore, par leur demander de nous accueillir, et recevoir d'elles.
D'ailleurs c'est bien ainsi que Jésus lui-même a vécu et enseigné. Il demandait l'hospitalité à Pierre, à Mathieu, à Lazare, à Simon, à Zachée. À la Samaritaine, il commence par demander : « Donne-moi à boire ». Il demande constamment à être reçu chez les siens, au risque de ne pas toujours être bien reçu, -- on l'a vu récemment, -- et de n'avoir parfois pas une pierre où reposer la tête-
Pour témoigner de l'Évangile, il demande donc à ses disciples de commencer par se mettre dans une attitude d'humilité. Car celui qui possède une richesse, une compétence, des relations ou même la Vérité, surplombe, en quelque sorte, son interlocuteur et fausse dès le début la relation. Pour se présenter au nom de Jésus, les envoyés doivent donc d'abord demander humblement d'être reçus, non pas comme des bienfaiteurs, mais comme des hôtes, des demandeurs d'asile. Quand alors, comme dit encore l'évangile, les disciples auront « trouvé, dans une maison, l'hospitalité » dont ils ont besoin, ils pourront effectivement annoncer le Dieu de Jésus-Christ, un 'Dieu qui a besoin des hommes'.
Mes frères, mes soeurs, c'est à cela que nous sommes appelés, c'est pour cela que nous sommes envoyés. Notre mission de chrétien est bien d'annoncer l'amour gratuit de notre Père des cieux. Et cet amour ne tombe pas du ciel ; il est enfoui dans le coeur de tout homme créé à son image. A nous de le réveiller en nous présentant démunis, au plus vrai de nous-mêmes, et en faisant confiance à la bonté des humains, plus profonde que tous les égoïsmes, les calculs et les indifférences mondialisées. C'est ainsi que nous pouvons répandre la lumière et la saveur de l'Évangile.
En nous rassemblant pour célébrer le repas du Seigneur, nous apprenons de lui à commencer ainsi à nous accueillir les uns les autres. Oui, comme le demandait saint Paul aux Romains : « Accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu ». (Rm 15, 7)
« L'avenir de la mission universelle de l'Église dépend de son aptitude à faciliter une culture de la rencontre et du dialogue avec tous ceux qui veulent humaniser la société moderne et refusent la marginalisation de la religion de la sphère publique*. »
Mgr. De Kesel : 'Foi et Religion dans une société moderne.
En ces jours-là, Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Toi, le voyant, va-t'en d'ici, fuis au pays de Juda ; c'est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ; car c'est un sanctuaire royal, un temple du royaume. » Amos répondit à Amazias : « Je n'étais pas prophète ni fils de prophète ; j'étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m'a saisi quand j'étais derrière le troupeau, et c'est lui qui m'a dit : ?Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.' »
- Parole du Seigneur.
Am 7, 12-15
J'écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple et ses fidèles : son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre.
Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice.
Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin.
Ps 84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l'Esprit, au ciel, dans le Christ.
Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l'amour.
Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ.
Ainsi l'a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu'il nous donne dans le Fils bien-aimé.
En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes.
C'est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu'à nous en toute sagesse et intelligence.
Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l'avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre.
En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu'il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d'avance espéré dans le Christ.
En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l'Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l'Esprit Saint. Et l'Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire.
- Parole du Seigneur.
Ep 1,3-14
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. » Ils partirent, et proclamèrent qu'il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Mc 6,7-13