Une homélie de fr. Grégoire Maertens
Jésus lève les yeux et voit : il évoque la possibilité de faire des courses, d'aller acheter du pain, car il ne supporte pas de voir la foule en manquer. Les Apôtres lui objectent que la situation est sans issue : trop peu de pain pour trop de monde. Réaction du Maître : il ne dit pas : « Débrouillez-vous, courez, allez faire des courses » mais : « Faites-les asseoir ! »
Et après ? Eh bien, il n'écarte pas du revers de la main ce qu'un enfant a apporté : cinq pains et deux poissons - ça fait penser au petit seau qu'un enfant apporte pour écoper l'eau de l'inondation - : cinq pains et deux poissons : quantité négligeable mais cependant comme une amorce d'acte de foi, comme la petite graine de rien du tout qui annonce le Royaume de Dieu au mépris de toute sagesse, de toute prévision humaine.
La suite, nous la connaissons, du moins en gros traits : tout est bien qui finit bien-.. Mais je crains que l'essentiel nous échappe : au moment de la consécration le prêtre dit , à propos du pain: « Eucharistesas dedoken » : après avoir rendu grâce, Il le donna- ». A partir de là ; tout change, la disette se transforme en abondance, l'eau en vin, le pain en Corps du Christ.
Au cours de la catastrophe de la semaine dernière, avez-vous remarqué que l'action de grâce ne fût pas absente : étonnement devant la mobilisation des énergies de la part des vieux et des jeunes, des scouts et autres volontaires ; moments d'émotion aussi parce que, à travers l'épreuve, des liens humains s'étaient tissés qui en temps de prospérité s'étaient distendus.
Ce n'est qu'après avoir rendu grâce que Jésus a donné le pain, à partir des pauvres provisions du jeune garçon. A la Messe, c'est le Christ lui-même qui s'offre, non sans avoir d'abord reçu l'offrande apportée à l'autel par les fidèles : un peu de pain, un peu de vin, signes de toute l'activité humaine, du travail, des joies et des peines de toute une semaine, voire même signes de notre péché car tout fait farine au moulin de Dieu : pensons au psaume 50 : « D'un coeur brisé, d'un coeur broyé, tu n'as pas de mépris, Seigneur ! »
Au moment de la consécration, le prêtre prend donc dans ses mains le pain et le vin : loin de se livrer à une incantation magique il évoque le moment où Jésus, allant jusqu'au bout du don de lui-même, s'adresse au Père pour le remercier : il remercie le donateur de tout bien, la source de toute bienveillance qui vient nourrir son peuple en marche. Ce don, ce pain dont il est question porte un nom : Jésus = Dieu sauve. Je puis témoigner ici que le Père François a mangé de ce pain-là qui l'a soutenu à chaque étape de sa longue existence : que de fois l'ai-je entendu remercier du fond du coeur : « Nous te rendons grâce pour ton immense gloire ! » alors qu'il était physiquement souffrant et affaibli à l'extrême.
La prière d'ouverture de cette Eucharistie résume bien ce que j'ai essayé d'exprimer : « Multiplie pour nous, Seigneur, tes gestes de miséricorde, afin que, sous ta conduite, en faisant un bon usage des biens qui passent nous puissions nous attacher déjà à ceux qui demeurent. » Amen !
En ces jours-là, un homme vint de Baal-Shalisha et, prenant sur la récolte nouvelle, il apporta à Élisée, l'homme de Dieu, vingt pains d'orge et du grain frais dans un sac. Élisée dit alors : « Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent. » Son serviteur répondit : « Comment donner cela à cent personnes ? » Élisée reprit : « Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : ?On mangera, et il en restera.' » Alors, il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur.
- Parole du Seigneur.
2 R 4, 42-44
Que tes ?uvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits.
Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.
Le Seigneur est juste en toutes ses voies, fidèle en tout ce qu'il fait. Il est proche de tous ceux qui l'invoquent, de tous ceux qui l'invoquent en vérité.
Ps 144 (145), 10-11, 15-16, 17-18
Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte donc à vous conduire d'une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous.
- Parole du Seigneur.
Ep 4, 1-6
En ce temps-là, Jésus passa de l'autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait sur les malades. Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions- nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? » Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car il savait bien, lui, ce qu'il allait faire. Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu'ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d'orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C'est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu'ils allaient venir l'enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 6, 1-15