Une homélie de fr. Bernard poupart
Un massacre et un grave accident: les événements qui faisaient l'actualité au temps de Jésus (Luc 13, 1-9) sont bien semblables aux nouvelles de nos journaux écrits ou télévisés. Mais ce qui était très différent, c'est l'interprétation que l'on donnait à ces événements.
La plus vieille et la plus longue tradition biblique avait inculqué la croyance en la rétribution dans la vie de chacun ou de chaque peuple. Le méchant et le pécheur devaient s'attendre au malheur qui allait les punir, tandis que les hommes justes et droits devaient prospérer comme les beaux cèdres du Liban. Les prophètes ont recherché les causes des drames nationaux dans les infidélités du peuple et de ses chefs. Plusieurs psaumes sont dans cette perspective lorsqu'ils veulent donner une réponse aux scandales qui mettaient en cause ce principe de rétribution: on voyait des corrompus prospérer indéfiniment, comme aujourd'hui, et des pauvres gens accablés par des épreuves injustes. La plupart des psaumes se contentent de répondre: attendez un peu, vous allez voir ce qui va arriver à coup sûr aux méchants.
Le problème est que ça n'arrivait pas. L'idée de la rétribution a subi une crise profonde, exprimée principalement par le livre de Job: Job est par hypothèse le juste absolu frappé par du malheur absolu. Ses discours sont une longue protestation.
Les livres d'Isaïe renversent le problème en faisant du juste persécuté celui qui sauve le peuple tout entier. Ces prophéties seront reprises par les disciples après la Résurrection pour comprendre le sens de la crucifixion.
Mais au niveau de notre page d'évangile, on n'en est pas encore là. Tout le monde croit que le malheur est une punition. Dans l'évangile de Jean, les disciples demandent à Jésus si l'aveugle-né subit la punition d'un péché de ses parents, et Jésus répond: « Ni lui, ni ses parents ne sont en cause. » Et ici: toutes ces victimes n'avaient pas plus péché que les autres, que vous qui avez été épargnés. Donc Jésus évacue la vieille thèse de la rétribution. Mais il ajoute: « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière. » Nous pouvons traduire: Vivez dans la vigilance et l'exigence pour pouvoir faire face. Si vous êtes dans l'insouciance et la futilité, le malheur vous écrasera.
C'est bien le sens de la petite parabole du figuier: il vous reste encore du temps pour porter du fruit, mais pas un temps indéfini. Le moment viendra où le poids de votre vie sera mis en cause, et d'abord à vos propres yeux.
Les croyances répandues au temps de Jésus sont-elles très différentes des nôtres? Quand survient une catastrophe, nous recherchons les responsabilités, mais elles sont le plus souvent tellement enchevêtrées que nous finissons par nous incliner devant un destin. Les mêmes questions surgissent toujours: pourquoi eux? Pourquoi nous? Pourquoi tous ces malheureux sont-ils condamnés à fuir? Et nous qui vivons dans une insolente tranquillité, nous nous posons les mêmes questions quand la maladie nous frappe: Pourquoi moi?
Mais il n'y a pas de réponse à ces questions. La seule réponse sera celle que nous apporterons par notre compassion et notre solidarité. Et c'est exactement la même réponse que Dieu lui-même nous donne: ce n'est pas lui qui nous envoie la malheur, mais il est avec nous quand le malheur nous frappe. Et sa présence nous incline à être avec les autres de toutes manières.
Avez-vous remarqué que nous n'entendons jamais les réfugiés mettre Dieu en cause? Ils sont même étonnamment fidèles à leur religion, quelle qu'elle soit. Ils rejettent ceux qui font la guerre au nom de Dieu, mais cela ne les entraîne pas à renoncer à leur foi. Par contre, ils nous mettent en cause, nous, dans notre peur de les accueillir. Et l'avertissement de Jésus demeure pour nous: si nous ne nous convertissons pas, si l'Europe ne se convertit pas, nous risquons fort d'être laminés. Et ceux qui en ont trop peur en seront les victimes.
Il y a un point précis sur lequel cette page d'évangile peut nous éveiller en ce temps de Carême, outre ce que nous pouvons faire pour accueillir ceux qui arrivent: c'est notre manière de lires les événements. On rapporte à Jésus les derniers événements et il les commente. Or nous commentons beaucoup les nouvelles entre nous, et en communauté particulièrement à table. Mais qu'en disons-nous? Nous déplorons beaucoup. Nous cherchons les causes et les issues alors que nous n'avons aucune prise sur elles. Il nous arrive aussi souvent de les rappeler dans nos prières. Nous pourrions chercher ensemble davantage ce que peut être une lecture chrétienne, évangélique, des événements. Et sûrement nous souvenir du commandement de Jésus d'aimer nos ennemis et de prier pour les persécuteurs.
En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l'Horeb. L'ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d'un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu'il avait fait un détour pour voir, et Dieu l'appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N'approche pas d'ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J'ai vu, oui, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j'ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t'envoie chez Pharaon : tu feras sortir d'Égypte mon peuple, les fils d'Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J'irai donc trouver les fils d'Israël, et je leur dirai : ?Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.' Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : ?Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est : Je-suis'. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : ?Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob'. C'est là mon nom pour toujours, c'est par lui que vous ferez mémoire de moi, d'âge en d'âge. »
- Parole du Seigneur.
Ex 3, 1-8a.10.13-15
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d'amour et de tendresse.
Le Seigneur fait ?uvre de justice, il défend le droit des opprimés. Il révèle ses desseins à Moïse, aux enfants d'Israël ses hauts faits.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour ; Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint.
Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11
Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d'Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c'était le Christ. Cependant, la plupart n'ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d'exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l'ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l'ont fait certains d'entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d'exemple, et l'Écriture l'a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu'il fasse attention à ne pas tomber.
- Parole du Seigneur.
1 Co 10, 1-6.10-12
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l'affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu'ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu'un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n'en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : ?Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?' Mais le vigneron lui répondit : ?Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas.' »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 13, 1-9