Une homélie de fr. Pierre de Béthune
Nous avons travaillé ensemble, hier après-midi, pour voir comment vivre cet évangile. En remerciant pour leur collaboration celles et ceux qui nous ont aidé, je vais essayer de répercuter à vous tous, quelques-unes des réflexions et suggestions qu'ils ont exprimées.
Au premier abord, cet évangile est clair et facile à comprendre, - du moins pour certaines parties. « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s'alourdisse par les plaisirs excessifs et les soucis de la vie » . Restez éveillés et priez en tout temps? Oui ! redressez-vous et relevez la tête car il s'agit de se tenir debout devant le Fils de l'homme. » Cela nous le comprenons bien, et nous sommes soucieux de le vivre concrètement.
Mais pour ce faire, il nous faut être motivés. Et là, nous sommes étonnés : les motivations que nous donne Jésus nous semblent étranges et même phantasmagoriques. Est-ce à cause de la fin du monde que nous devons nous engager ainsi ? Car enfin « le fracas de la mer et des flots qui laissent toutes les nations désemparées, les puissances des cieux ébranlées, la catastrophe qui s'abat soudain sur nous comme un filet », toutes ces images apocalyptiques, ne nous impressionnent finalement pas beaucoup. Nous serions même tentés de penser que cela n'a plus de sens aujourd'hui. Et cependant, comme le faisaient remarquer certains, nous voyons bien qu'aujourd'hui les situations inquiétantes et même catastrophiques, ne manquent pas. Elles ne sont pas cosmiques, mais planétaires, internationales et même ecclésiales. Il ne faut donc pas ignorer ou subir ces situations, mais voir le sens que tout cela a pour aujourd'hui.
Pour cela, revenons aux premiers mots de cet évangile : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue ». Il vient. C'est le sens de l'Avent. Le mot Avent s'écrit avec un e, comme dans avenir, le temps qui vient, et pas avec un a, comme dans 'C'était mieux avant'. Le temps de l'Avent qui commence aujourd'hui n'est donc pas le temps 'avant Noël', mais une période de l'année liturgique où nous renouvelons notre foi dans la venue du Seigneur, encore aujourd'hui. Bien sûr, nous célébrons d'abord sa venue à Noël, mais, plus largement, nous savons que chaque geste d'amour, chaque prière est une expérience de la venue, de la présence du Christ, surtout « quand deux ou trois sont réunis en son nom ».
Mais que signifie « en son nom » ? Quelle est notre foi aujourd'hui ? Nous ne pouvons pas nous limiter à adhérer à des vérités historiques, parce que nous sommes responsables de la venue du Seigneur aujourd'hui. D'ailleurs quand donc Jésus « parle de sa venue », il ne parle pas seulement à ses disciples, jadis, il s'adresse aussi à nous, aujourd'hui, et c'est pour nous inviter à hâter sa venue parmi nous. Or, il ne nous tombe pas dessus, on ne sait d'où. Il ne vient pas comme une météorite qui tombe sur notre planète de façon tout à fait aléatoire. La venue du Christ n'est pas aléatoire. Il vient au bout de notre prière, au bout de notre plus grand désir. Parce que, en tant qu'hommes et femmes de notre temps, nous sommes appelés à développer toutes nos possibilités, tant de connaissance que d'amour, tant dans le domaine scientifique et technique que dans celui de l'art, du service, de l'amitié et de la patience. Être attentifs à sa venue, c'est regarder vers l'ailleurs de moi, pour voir comment Jésus vient dans mes frères et soeurs qui nous viennent.
Nous savons, comme le disait Pascal, que « l'homme passe infiniment l'homme ». C'est en allant ainsi jusqu'au bout, en consentant à ce dépassement, que nous pouvons appeler le Seigneur, car c'est là qu'il vient à notre rencontre. Oui, nous pouvons encore beaucoup nous entraider à vivre l'évangile.
Car, encore une fois, le Christ ne vient pas par hasard ; il vient toujours à notre rencontre. Même quand il nous semble arriver à l'improviste, nous découvrons, souvent plus tard, que nous l'attendions à notre insu et qu'il venait à la rencontre d'un désir profond, d'une attente encore inconsciente. Et nous pouvons alors vivre dans l'action de grâce, dans cet échange, et je dirais cette collaboration, avec Dieu, pour « que son Règne vienne », comme nous le prions dans la prière du Seigneur.
Notez qu'il ne s'agit pas seulement d'une expérience de prière mystique, au plus profond du silence. Cette collaboration pour que vienne son « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne du justice, d'amour et de paix » (pour reprendre les mots entendus dimanche passé), cette collaboration est très concrète et quotidienne. Notre rôle, comme chrétiens ne consiste pas à affirmer que le Christ est vivant, mais bien à donner corps à l'espérance qu'il a mise en nous. Nous continuons son oeuvre en nous « tenant debout », comme il est dit dans notre évangile, en aidant nos frères, nos soeurs à se remettre debout, à « se redresser et à lever la tête ». C'est cela réaliser le Credo aujourd'hui, c'est cela croire à l'Incarnation et à la Résurrection.
Oui, mes frères, mes soeurs, c'est pour cela que nous devons « rester éveillés et prier en tout temps ». Ce temps de l'Avent est l'occasion de voir comment vivre plus sobrement, en nous libérant des soucis de la vie, des excès, de tout ce qui alourdit notre coeur, afin d'être toujours plus éveillés, plus vivants, et donc plus solidaires. Vous avez vu à la fenêtre qu'une collecte sera faite pendant ce temps pour une plus grande solidarité dans notre pays. Pensons-y déjà ! Avec les grands problèmes environnementaux et sociétaux que nous avons contribué à créer, ce temps est particulièrement le temps de ceux qui se soucient de l'avenir de notre planète.
Tiens ! avenir et Avent, même combat !
Nous allons maintenant continuer notre célébration en priant et en partageant le pain. Souvenons-nous, comme saint Paul le rappelle aux Corinthiens, que l'eucharistie du Seigneur est toujours célébrée « pour qu'il vienne » et qu'il demeure parmi nous. Ce sont d'ailleurs là les derniers mots de l'Apocalypse, de toute la Bible :
« Marana tha, viens, Seigneur Jésus. »
Voici venir des jours - oracle du Seigneur - où j'accomplirai la parole de bonheur que j'ai adressée à la maison d'Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »
- Parole du Seigneur.
Jr 33, 14-16
Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve.
Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin.
Les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois. Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ; à ceux-là, il fait connaître son alliance.
Ps 24 (25), 4-5ab, 8-9, 10.14
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l'attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l'homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre c?ur ne s'alourdisse dans les beuveries, l'ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste comme un filet ; il s'abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 21, 25-28.34-36