Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chères sœurs, chers frères, en ce 25e dimanche de l'année. On vient ici pour former ensemble un cercle d'amis autour de l'Ami, Jésus, l'envoyé de Dieu qui nous forme à la Sagesse qu'il incarne. Saint Augustin avait cette belle vision pour toute communauté, telle qu'il l'esquisse à la fin de sa Règle : « Nous sommes les amis les uns des autres qui ensemble sommes amoureux de Celui qui au milieu de nous est la Beauté et la Sagesse en personne, Jésus. Nous pratiquons ainsi, disait-il, la philo-kallia et la philo-sophia, amour de la Beauté et amour de la Sagesse ».
Ouvrons notre cœur au début de cette liturgie pour que la Sagesse divine et la Beauté de Dieu puissent pleinement nous visiter à nouveau. Saint Paul dans la deuxième lecture précise qu'il est là au milieu de nous, comme médiateur unique qui entre Dieu et nous intercède inlassablement pour tous les humains. Invoquons-le donc avec grande confiance par le Kyrie eleison.
Homélie
Bien chers amis.
Nous sommes arrivés, dans la lecture suivie de l'évangile selon saint Luc au chapitre 16. Aujourd'hui et dimanche prochain nous entendrons quasiment tout le chapitre. Luc a réussi a rassembler bien des paroles isolées de Jésus en un diptyque. Aujourd'hui Jésus s'adresse aux disciples, dimanche prochain son auditoire seront des pharisiens. Il y a au fond de nous un disciple et un pharisien, en puissance, selon Luc, et la sagesse consiste à savoir faire le bon choix. Le thème central du chapitre est l'Argent, le Mammon, les richesses. Comment bien se servir de cette réalité complexe, envahissante, qui peut devenir un dieu dans le cœur des hommes. Luc présentera deux paraboles qui toutes les deux commencent par les mêmes mots : « Il y avait une fois un homme riche... » Dans le premier cas, le Jésus de Luc en tirera une leçon positive : « Faites-vous donc des amis avec le mammon d'iniquité ! »; dans le second cas, avec le pauvre Lazare couché à la porte de l'homme riche qui n'a pas de nom, l'illustration sera négative : voilà comment il ne faut pas faire. Dans les deux cas, nos actes ici ont des conséquences pour l'au-delà. Or le choix s'impose dans le cœur de chacun : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et le Mammon ! ».
Ce chapitre reprend à certains égards l'enseignement de sagesse du sermon de la plaine en Luc 6 : « Heureux vous les pauvres, vous qui avez faim maintenant, vous qui pleurez maintenant, car vous serez consolez, vous serez rassasiés, à vous reviendra le Royaume. Par contre, quel malheur pour vous les riches, comme vous êtes à plaindre qui êtes déjà rassasiés et avez déjà reçu votre récompense. Vous qui riez maintenant, vous pleurerez... » Dans ce chapitre seize on trouve la même antithèse et la même stratégie de sagesse : de grâce faites maintenant le bon choix ! Sinon vous connaîtrez la pire des misères qui sera sans fin... Or faire le bon choix quant à l'argent, pour Luc cela signifie : « Se faire des amis par l'aumône, car alors ceux-ci vous recevront dans les tentes éternelles ». Tout acte a ses conséquences dans l'au-delà, dans la vision lucanienne. Évitez la bêtise, de grâce, de penser qu'il n'y a de vie qu'ici-bas. Cet enseignement est clair, et l'on peut tous en tirer une leçon réaliste quant à la vie de partage, à commencer dans les plus petites choses. « Celui qui est digne de confiance dans les petites choses, sera aussi digne de confiance dans une grande ». Un rabbin contemporain éprouvait de la difficulté à rencontrer des mendiants dans la rue. Puis il s'est dit : « Ayons toujours en poche un dixième de ce que je gagne par mois. Tant qu'il y a des sous, je continue de donner tout le mois durant ». Il respectait ainsi la règle de la dîme pour les pauvres et s'en trouvait en conscience plus heureux qu'avant cela. C'est une idée.
Mais il y a peut-être encore une leçon tout autre à tirer de ce curieux évangile. Un jour Jésus et ses disciples découvrent le long de la route la charogne d'une hyène. Les disciples font une grimace et se détournent spontanément. Horrible ! Sans parler de l'odeur. Mais Jésus s'arrête et fait remarquer : « Avez-vous vu les molaires, comme elles sont d'une blancheur éclatante telles des perles et d'une perfection incomparable ? » Il voit dans ce qui fait horreur ce qu'on a habituellement jamais l'occasion de contempler tranquillement dans la vie : les dents d'une hyène...
Aujourd'hui il raconte également une histoire bizarre, moralement. Ce bonhomme se fait des amis en faussant les comptes de son maître. Celui-ci lui reprochait justement sa conduite corrompue. Il continue de plus belle, de façon rusée. Jésus ne semble pas vouloir moraliser du tout mais il voit dans ce curieux débrouillard un bel exemple : l'homme se sait perdu mais en se faisant ainsi des amis, il espère se sauver. Et Jésus de conclure : « Les enfants de ce monde sont plus habiles que les enfants de la lumière » !
Qui a le cœur pur voit autrement même les choses choquantes que nos médias nous rapportent jour après jour. Certes le bien est bien, et le mal est tout sauf imitable. Mais Jésus nous montre dans ce cas concret qu'on peut encore apprendre de tout le monde et qu'il existe un regard qui considère la réalité autrement qu'en tant que moraliste. Il y a un au-delà du bien et du mal, que certains ont le don de voir et de faire voir aux autres. Jésus surprend, mais sa sagesse peut encore nous interpeller, comme la question posée aux disciples dans ce récit transmis par les musulmans et par certains maîtres juifs : « Avez-vous remarqué les molaires de l'hyène, comme elles sont blanches telles des perles et d'une perfection incomparable ? »
Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d'argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu'aux déchets du froment ! » Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n'oublierai aucun de leurs méfaits.
- Parole du Seigneur.
Am 8, 4-7
Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur ! Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles !
Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? Lui, il siège là-haut. Mais il abaisse son regard vers le ciel et vers la terre.
De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre pour qu'il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple.
Ps 112 (113), 1-2, 5-6, 7-8
Bien-aimé, j'encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'État et tous ceux qui exercent l'autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n'y a qu'un seul Dieu, il n'y a aussi qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous. Aux temps fixés, il a rendu ce témoignage, pour lequel j'ai reçu la charge de messager et d'apôtre - je dis vrai, je ne mens pas - moi qui enseigne aux nations la foi et la vérité. Je voudrais donc qu'en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute.
- Parole du Seigneur.
1 Tm 2, 1-8
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si donc vous n'avez pas été dignes de confiance pour l'argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n'avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 16, 10-13