Une homélie de fr. Martin Neyt
Introduction
Mes sœurs, mes frères.
Ce dimanche, nous célébrons la solennité du Christ, Roi de l'univers. Cette fête se présente comme le terme de l'année liturgique et dimanche prochain nous entrons dans une année nouvelle.
Quel sens pouvons-nous trouver dans ce qui nous semble un éternel commencement ?
La semaine dernière il m'a été donné de passer par les hautes fagnes. Le soleil était au rendez-vous, le ciel était d'un bleu intense et régulièrement des oiseaux dans le ciel formaient un V, venant de Pologne se dirigeant, me dit-on, vers le Sud. C'est le signe de la fin de l'été. Quel est donc cet instinct qui regroupent durant 48 heures des dizaines de milliers d'oiseaux migrateurs. annonçant le changement de saison ? En effet, lundi matin le froid recouvrait la Belgique.
Mystère de la nature, mystère aussi de nos liturgies qui à travers nos rituels, unissent intérieurement nos cœurs à travers le monde et font du Christ un Centre d'appel et de vie. Nous le découvrirons dans l'Evangile où le Christ annonce : « Aujourd'hui avec moi, tu seras au Paradis ». Tournons-nous vers Celui qui est miséricorde, amour et résurrection.
Homélie
Quelques paroles brèves, échangées dans un instant tragique avant la mort de Jésus illuminent l'histoire de l'humanité et nous ouvrent l'aurore d'un bonheur sans fin et d'une joie indicible. Avant de revenir sur ces quelques mots : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » et cette réponse inouïe : « Amen, je te le dis : aujourd'hui, avec moi, tu seras au Paradis », Jésus avait été flagellé jusqu'aux os par des lanières ; il avait porté une poutre latérale trop lourde pour lui et avait été dressé sur la croix / les poignets et les pieds unis percés d'un clou. La mort était proche par étouffement et par asphyxie.
Saint Luc formule trois paroles lourdes de sens que Jésus prononce au moment de la crucifixion : « Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23, 34a) ». Cette extension du sens du pardon nous atteint aujourd'hui encore. Même s'il nous arrive d'assister à des évènements graves en simple observateur, comme le peuple. Sous la croix il y a aussi trois sortes de railleurs : les chefs religieux, les soldats et l'un des malfaiteurs crucifiés. Les deux co-crucifiés sont qualifiés chez Marc (15, 27) et chez Mt (27, 38) de brigands (leistès).
La scène unique avec un des brigands, dit « le bon larron », est bouleversante de profondeur, pour ainsi dire chef-d'œuvre de la théologie de Luc. La générosité de Jésus va bien au-delà de ce que demande le malfaiteur. Les actes commis par le larron ne sont pas spécifiés, il ne fait guère pénitence, il appelle Jésus tout simplement « Jésus » sans aucun qualificatif ce qui est unique dans les quatre évangiles.
Oui, Jésus va au-delà de ce que demande le malfaiteur. Là où ce dernier demande à Jésus qu'il se souvienne de lui quand il viendra dans son Royaume, (dans sa Royauté) ; Jésus répond avec fermeté et conviction : « Amen, je te le dis, aujourd'hui, avec moi, tu seras au Paradis ».
Celui-ci devient le premier à entrer au Paradis. Amen, je te le dis. Comment cette scène dramatique et effrayante est-elle devenue réalité de vie. Comme l'exprime Saint Jean, c'est seulement par l'Amour, que cette mort horrible est devenue source de Vie et d'espérance. Les approches du Paradis désignent non pas des lieux, mais des perceptions des réalités spirituelles, ce sont des espaces intérieurs de lumière, de rafraîchissement, de paix. Il s'agit d'un langage symbolique, mystérieux par essence. La mort est « dormition » ; l'être humain est dans un état de sommeil. Ce sont les facultés psychiques attachées au corps qui restent constituantes de la Résurrection d'où jaillit l'homme nouveau.
Chez Luc, la dernière parole de Jésus en croix, est confiante. « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23.46) toute différente du cri de Jésus abandonné chez Mc (15.34).
L'image de la royauté du Christ Jésus est tournée en dérision par les chefs et aussi par les soldats qui se moquent tout en lui présentant du vinaigre : « Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même ». Et le titre que Pilate fit placer au-dessus de la tête du Seigneur réalisait la parole du Christ disant : « Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi » Cette inscription s'adresse aux Juifs, aux Grecs et à tous les peuples, écrit Jean Chrysostome. Ce fut aussi l'interpellation d'un des deux malfaiteurs : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous aussi ».
Jésus s'est approché de la mort jusqu'à s'incarner, assumer la condition humaine, habiter tout l'être humain des énergies vivifiantes de l'Esprit divin. La Résurrection nous conduit vers ce nouvel être qui deviendra définitivement nous-mêmes et qui fait du Christ le Roi de l'univers, comme il le fut révélé au bon larron. Pâques devient le passage ultime dans le temps, dans l'espace de nos vies et la liturgie des défunts chante : « Heureux les morts qui sont entrés dans la clarté du Père ; heureux les corps ayant passé la nuit pour reposer aux lieux de la lumière ; heureux les corps sondant la transparence de l'adorable et de l'immense amour ».
Ô Christ ; tu as reçu l'honneur suprême de porter le prix de l'univers, et comme un nautonier, de conduire au rivage l'humanité entière naufragée. Honneur et louange, au Père, à son Fils qui a pris notre nature, à l'Esprit Paraclet, Consolateur. Oui, Le Seigneur Jésus est Saint, Roi de l'Univers, Seigneur de Gloire dans les siècles des siècles, pour l'Eternité ».
En ces jours-là, toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c'est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t'a dit : ?Tu seras le berger d'Israël mon peuple, tu seras le chef d'Israël.' » Ainsi, tous les anciens d'Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l'onction à David pour le faire roi sur Israël.
- Parole du Seigneur.
2 S 5, 1-3
Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur ! » Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !
Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu'un ! C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.
C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David. Appelez le bonheur sur Jérusalem : « Paix à ceux qui t'aiment ! »
Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6
Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.
Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, la tête de l'Église : c'est lui le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin qu'il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu'habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.
- Parole du Seigneur.
Col 1, 12-20
En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s'approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L'un des malfaiteurs suspendus en croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 23, 35-43