Homélie du 26 fevrier 2023

Jésus jeûne quarante jours, puis est tenté

1er Dimanche de Carême - Année A

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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En nous invitant à entrer en Carême, la liturgie nous demande de refaire notre choix. La liturgie, c'est à dire la tradition de notre église, suit les saisons et nous engage, en ce début du printemps, à nous remettre en route sur le chemin de l'évangile et à refaire notre choix : non pas parce qu'il serait périmé, et qu'il faudrait signer un nouveau bail, un nouveau contrat, mais parce que nous savons bien qu'il est nécessaire de régulièrement renouveler notre pleine conscience de cet engagement. Laissons-nous donc porter par cette tradition liturgique. Elle remonte aux tout premiers temps de l'église, mais elle n'est pas vétuste pour autant, parce qu'elle nous permet de rejoindre le Christ aujourd'hui dans son mystère pascal.

Chaque année, au premier dimanche du Carême, pour commencer notre chemin vers Pâques, la liturgie nous invite à accompagner le Seigneur Jésus qui commence son ministère. Il a d'abord demandé le baptême de Jean, et il est ensuite conduit au désert par l'Esprit. Ce sont deux étapes décisives de sa vie. En ces deux moments, il récapitulait l'histoire de son Peuple. Ce qui a définitivement formé l'Israël ancien comme un Peuple choisi est en effet le passage de la Mer Rouge et le séjour au désert du Sinaï. A son tour Jésus est d'abord descendu au fond des eaux, avec tous les pécheurs venus pour se convertir, et cela a été pour lui une expérience décisive, quand, en sortant, les cieux se sont ouverts et qu'il a entendu la voix venue du ciel : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir ». Ensuite le même Esprit qui lui était apparu sous l'image d'une colombe le pousse au désert, pour continuer, compléter son expérience initiatrice en affrontant la tentation. Il y reste quarante jours, tenté par Satan, et l'évangéliste Marc précise qu'il est avec les bêtes sauvages, et servi par des anges.

Quelle est donc cette expérience de Jésus au désert, et quelle est cette tentation qu'il a dû affronter ? L'évangile en décrit trois, mais elles se résument en un choix, unique et exclusif. En effet, il avait entendu la voix du Père lui dire : « il m'a plu de te choisir », il aurait donc pu conclure qu'il pouvait choisir à son tour ce qui lui plaisait ; tout lui était permis désormais : mais c'est précisément là qu'était la grande tentation. Et le désert est précisément 'le lieu du choix', comme on l'a vu pour le 'Peuple choisi'. Moïse lui avait demandé : « Vas-tu choisir la vie ou la mort ? Choisis la vie ! » Au désert de Juda, Jésus a effectivement choisi. Il a choisi de faire pleinement la volonté de son Père qui l'envoyait. Entouré de bêtes sauvages, servi par des anges, il a choisi d'être pleinement homme, ni ange ni bête, mais simplement un homme, fragile, béni, - aimé, ou détesté. Homme parmi les hommes, présent à tous, disponible, lucide, et surtout capable d'incarner tout l'amour du Père.

A l'autre bout de sa vie, au Jardin des Oliviers, il a connu la même tentation et il a refait le même choix : « Abba, Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe ! Pourtant non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » Et nous savons que tout au long de sa vie, il retournait dès que possible dans un endroit désert, pour prier, pour revivre ce choix, l'accueil de la volonté de son Père.

Mes frères, mes sœurs, c'est là que nous pouvons le rejoindre. Le Carême nous est donné pour vivre à notre façon l'expérience du désert et nous demander à nouveaux frais si nous allons 'choisir la vie', choisir l'évangile. Saint Paul rappelait déjà aux chrétiens de Corinthe que nous aussi, nous sommes « passés par la mer », que nous avons reçu un baptême, et que nous sommes ensuite passés à travers le désert. Et il concluait : « Ne tentons donc pas le Seigneur, comme firent certains d'entre eux. »

Tout au long de notre vie quotidienne, dans notre monde consumériste, nous sommes invités à faire des choix. Les publicités nous y invitent constamment. Et 'le bon choix', c'est évidemment de choisir ce qui nous plait. C'est facile de choisir ce qui nous plait, et c'est facile d'aimer ce qui nous plait. CEPENDANT LA VRAIE VIE NE CONSISTE PAS À AIMER CE QUE NOUS AVONS CHOISI, MAIS BIEN À CHOISIR D'AIMER CE QUI NOUS EST DONNÉ. Non pas tant aimer celui ou celle que nous avons choisi, mais choisir d'aimer celui ou celle qui nous est donné, - que ce soit dans le mariage ou la vie communautaire. Le petit désert qu'est le Carême, ce lieu du choix, nous est proposé pour choisir d'aimer davantage, pour entrer davantage dans la volonté de Dieu sur nous.

Accueillons donc pleinement ce que nous dit aujourd'hui le Christ qui cite le livre du Deutéronome : «  L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.  » Cette parole de Dieu n'est pas seulement une sentence de sagesse ou un précepte de la Loi. Elle est un appel, un appel à faire le choix de l'écouter, de l'adorer, lui seul.

Il y aurait encore tant d'autres choses à dire en commençant le Carême, à propos du jeûne, de la prière et surtout du partage, - il faudra y revenir, mais je crois que tout se résume dans les premiers mots que Jésus a prononcés, précisément en sortant du désert : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! » La liturgie du Carême est essentiellement destinée à nous mettre sur ce chemin de conversion. Pour cela, elle nous rappelle une chose, au long de ces quarante jours qui nous conduisent à Pâques, et même pendant les cinquante jours qui suivent, jusqu'à la Pentecôte, elle nous redit : Dieu nous a aimés le premier. Telle est la source de toute conversion, de toute vie : oui, NOTRE CHOIX D'AIMER DIEU EST TOUJOURS UNE RÉPONSE À SON AMOUR.

Et puis, très concrètement, en proposant, le premier dimanche, cet évangile du séjour de Jésus au désert, elle nous indique aussi un accès privilégié à cette source : en prenant quelques fois un certain retrait dans la prière, comme Jésus aimait à le faire, nous pouvons réaliser au plus intime de nous-mêmes que Dieu est notre Père, Abba ! - et que nous sommes ses fils, ses filles, en lesquels il a mis tout son amour.

 

Création et péché de nos premiers parents

Le Seigneur Dieu modela l'homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l'homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l'orient, et y plaça l'homme qu'il avait modelé. Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d'arbres à l'aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Or le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : ?Vous ne mangerez d'aucun arbre du jardin' ? » La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : ?Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez.' » Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » La femme s'aperçut que le fruit de l'arbre devait être savoureux, qu'il était agréable à regarder et qu'il était désirable, cet arbre, puisqu'il donnait l'intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils se rendirent compte qu'ils étaient nus.

- Parole du Seigneur.

Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait.

Crée en moi un c?ur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne. Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.

Ps 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

Là où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé

Frères, nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. Si, en effet, à cause d'un seul homme, par la faute d'un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes.

Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l'accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie. En effet, de même que par la désobéissance d'un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l'obéissance d'un seul la multitude sera-t-elle rendue juste.

- Parole du Seigneur.

Rm 5, 12.17-19

Jésus jeûne quarante jours, puis est tenté

En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s'approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

Alors le diable l'emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »

Le diable l'emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s'approchèrent, et ils le servaient.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 4, 1-11