Homélie du 19 mars 2023

 Il s'en alla et se lava ; quand il revint, il voyait 

4ème Dimanche de Carême, de Lætare - Année A

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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Jean, 9 : L'aveugle-né

Le quatrième dimanche de Carême tout comme le troisième est une célébration traditionnellement consacrée aux catéchumènes : les évangiles de la Samaritaine et de l'Aveugle-né aujourd'hui sont des catéchèses destinées à leur intention, pour leur enseigner les rudiments de la foi chrétienne. Même si nous ne sommes plus des catéchumènes, reconnaissons au moins que nous avons toujours besoin d'un éclairage. «  Je suis la lumière du monde, dit Jésus (Jn 8,12). Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie  ». Et encore dans le prologue du quatrième Evangile : «  le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire le monde, ... et le monde ne l'a pas reconnu  », mais certains l'ont «  accueilli  », l'ont reconnu comme fils de Dieu, comme celui qui éclaire le monde de la vraie lumière, la seule véritable lumière.

Jadis avant le Concile, les célébrants faisaient des homélies qui étaient plus des catéchèses sur des thèmes particuliers, tels que les sacrements, les dogmes de l'Eglise. Aujourd'hui, je n'ai pas l'intention de vous commenter l'évangile de l'Aveugle-né qui est long et sinueux. Je voudrais faire comme faisaient ces anciens prédicateurs : me concentrer sur ce qui en est l'essentiel : nous sommes des pécheurs ; «  nous avons péché  » comme dit la nouvelle traduction de la liturgie au début de la messe, ce qui est une façon plus directe et concrète de s'exprimer (j'y reviendrai). Bien sûr, bien sûr, nous sommes des pécheurs pardonnés parce que notre Dieu est infiniment miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour. Mais à trop insister sur le pardon et la miséricorde divines, nous pourrions en arriver à complètement oublier que nous sommes et restons des pécheurs, une expérience que nous vivons au quotidien et contre laquelle nous butons régulièrement : un confrère p.ex. qui vous agresse sans motif sérieux, valable, uniquement parce qu'il préfère choisir l'agressivité plutôt que la complaisance. Moi aussi il m'arrive d'être agressif ; et je dois hélas endurer l'agressivité des autres à mon égard. Et ce n'est malheureusement pas le confiteor de la messe qui change beaucoup à ce constat affligeant pour moi et mes frères. On peut s'en tirer comme Krishna qui aimait le disciple «  sans colère, plein de tendresse, le cœur ouvert et sans attache ni souci de soi, qui endure le plaisir et la peine jusqu'à l'indifférence. Il demeure toujours content, il est maître de lui-même. Il est plein de ferveur mais jamais ne cède à l'envie et au dégoût  » (dans La Bhagavad-Gîta, Ch. 12 : le chemin de la pure dévotion)

Pour en revenir à l'enseignement de l'évangile, de Jésus lui-même, l'essentiel est donc de se reconnaître pécheur, de reconnaître son aveuglement, et en même temps de sentir le besoin de recevoir la lumière divine qui seule peut nous sauver. C'est la dernière phrase de l'évangile : «  du moment que vous dites 'Nous voyons', votre péché demeure  ». Néanmoins, j'ajouterais ceci : dans le confiteor il ne s'agit pas tant de reconnaître que nous faisons partie d'une catégorie d'hommes, très commune d'ailleurs puisqu'universelle, qu'on appelle des pécheurs, il s'agit bien plus de confesser que nous avons commis des péchés, que nous avons effectivement blessé des personnes, des petits, des pauvres que Dieu aime. Alors peut commencer un chemin de paix et de réconciliation.

Pour continuer, j'aimerais dire deux mots sur une difficulté de la foi chrétienne qui est effleurée par l'évangile d'aujourd'hui : le péché originel, une doctrine qui serait à bannir selon certains parce qu'elle induirait selon eux que l'homme naîtrait mauvais, pécheur. Cette fausse vérité est amplifiée par la pratique pastorale ancienne qui consistait à baptiser les enfants le plus vite possible après la naissance pour qu'il soit sauvé. L'Aveugle-né, dit Jésus, n'a commis aucun mal, ni ses parents, pour mériter ce handicap. Le péché est hors de cause dans les accidents de la nature, comme le disait encore un auteur dont nous lisons un ouvrage à la table de midi (Quelques mots avant l'Apocalypse, Adrien Candiard), affirmation qui aujourd'hui passe de plus en plus facilement, dit-il, à cause des avancées de la science. Mais Jésus s'en prend énergiquement aux Scribes et aux Pharisiens qui prétendent savoir, ou voir clair sur l'identité de Jésus, passant à côté de la médiation divine de Jésus sur la guérison de l'aveugle-né. Notons entre parenthèse qu'il est guéri par de la boue qui lui est appliquée sur les yeux, une manière qui fait référence aux récits de la Création : sa guérison est une recréation, comme l'est toute guérison par la grâce de Dieu. Sa guérison est une figure du baptême chrétien, lequel sauve du dit péché originel dont seul Jésus et sa Mère sont exemptés. Marie est en quelque sorte élevée au rang divin qui ne connaît pas le péché.

Comment le comprendre, ou l'expliquer sans heurter les sensibilités modernes ? La doctrine exprime une vérité qui est souvent mal exprimée (péché originel ou pire : tache originelle) mais qui est pourtant évidente : nous vivons dans un monde de tordus où règnent l'iniquité, la discorde, le mensonge. Aucun homme ne peut échapper à la corruption (pas plus les femmes !), à la contagion du mal. Cela ne veut absolument pas dire que nous naissions mauvais, mais, selon la doctrine chrétienne, que nous ne pouvons pas nous en sortir nous-même, nous avons besoin de la grâce de Dieu. Que nous la recevions dans un sacrement perçu comme un rite fort extérieur, cela est un autre problème.

L'aveugle de naissance, comme tout homme qui naît dans un monde pécheur, ne peut être guéri que par le Christ, vérité difficile à croire par ses adversaires et peut-être par nous aussi. «  Autrefois vous n'étiez que ténèbres, maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière  » (Ep 5,8).

 

David reçoit l'onction comme roi d'Israël

En ces jours-là, le Seigneur dit à Samuel : « Prends une corne que tu rempliras d'huile, et pars ! Je t'envoie auprès de Jessé de Bethléem, car j'ai vu parmi ses fils mon roi. » Lorsqu'ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab, il se dit : « Sûrement, c'est lui le messie, lui qui recevra l'onction du Seigneur ! » Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l'ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l'apparence, mais le Seigneur regarde le c?ur. » Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n'a choisi aucun de ceux-là. » Alors Samuel dit à Jessé : « N'as-tu pas d'autres garçons ? » Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu'il ne sera pas arrivé. » Jessé le fit donc venir : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau. Le Seigneur dit alors : « Lève-toi, donne-lui l'onction : c'est lui ! » Samuel prit la corne pleine d'huile, et lui donna l'onction au milieu de ses frères. L'Esprit du Seigneur s'empara de David à partir de ce jour-là.

- Parole du Seigneur.

1 S 16, 1b.6-7.10-13a

Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.

Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

Relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera

Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière - or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité - et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur. Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt. Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même d'en parler. Mais tout ce qui est démasqué est rendu manifeste par la lumière, et tout ce qui devient manifeste est lumière. C'est pourquoi l'on dit : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera.

- Parole du Seigneur.

Ep 5, 8-14

Il s'en alla et se lava ; quand il revint, il voyait

En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. Il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l'aveugle, et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » - ce nom se traduit : Envoyé. L'aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.

Ses voisins, et ceux qui l'avaient observé auparavant - car il était mendiant - dirent alors : « N'est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C'est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c'est quelqu'un qui lui ressemble. » Mais lui disait : « C'est bien moi. » On l'amène aux pharisiens, lui, l'ancien aveugle. Or, c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. Il leur répondit : « Il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. » Parmi les pharisiens, certains disaient : « Cet homme-là n'est pas de Dieu, puisqu'il n'observe pas le repos du sabbat. » D'autres disaient : « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. Alors ils s'adressent de nouveau à l'aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu'il t'a ouvert les yeux ? » Il dit : « C'est un prophète. » Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu'ils l'avaient jeté dehors. Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l'homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c'est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 9, 1.6-9.13-17.34-38