Homélie du 27 août 2023

Toutes les Écritures Saintes sont des interpellations, des appels qui nous sont adressés. Ce ne sont pas que des récits merveilleux ou des sentences de sagesse. Cela est particulièrement le cas pour l'évangile, la 'Bonne Nouvelle' qui nous est 'annoncée', et pas seulement communiquée. Et c'est tout particulièrement le cas aujourd'hui. L'évangile de ce jour n'est pas simplement le compte rendu d'une conversation que Jésus a eu, un jour, avec ses disciples, et puis, en une seconde partie, la relation exacte, verbatim, des paroles par lesquelles le Christ a jadis institué l'apôtre Pierre chef de son Église. Mes frères, mes sœurs, je vous ai lu un vieux texte dans ce gros livre, mais ce sont des paroles concrètes, adressées à chacun, chacune de nous, aujourd'hui. La question à nous poser est donc : comment pouvons-nous entendre ces paroles, que faire pour que ces paroles puissent vraiment nous atteindre, toucher notre cœur ?

Commençons donc par voir plus attentivement la première partie.

Il y là une double question : « Au dire des gens, qui est le Fils de l'homme ?  » et puis : «  Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?  » Il est assez facile de répondre à la première question. De fait, «  au dire des gens  », ceux d'alors ou ceux d'aujourd'hui, il y a beaucoup de bonnes réponses, historiques, spirituelles, et même aujourd'hui plus que jamais. Vous en connaissez certainement un bon nombre. Mais la deuxième partie, plus insistante, est aussi plus difficile à bien accueillir : «  Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ?  » Pouvons-nous accueillir personnellement cette question, comme adressé à chacun de nous ici : Pour toi ? Qui est Jésus pour toi, aujourd'hui ?

Il est bon de quelquefois se poser cette question personnelle. Parce que nous risquons toujours de nous en tenir à la réponse officielle, «  au dire des gens  », des gens d'aujourd'hui. Or nous sommes appelés à développer un contact personnel avec le Christ, un contact renouvelé dans la prière. Bien sûr, il n'est pas possible d'entretenir constamment un tel contact intime, mais, en certaines circonstances de notre vie, ou pendant un temps de retraite, nous devons laisser résonner en nous cette question évangélique : 'Qui est Jésus pour moi ?' Il y a beaucoup de réponses, selon les différentes situations de notre vie. Il est le maître, l'ami, le juge, le témoin fidèle, le modèle unique... Et puis nous pouvons encore nous poser autrement la question : 'Quelle importance a-t-il dans ma vie ?' ou encore : 'Lui enlevé, que reste-t-il de ma foi, de mes raisons de vivre ?'

Comme je l'évoquais à l'instant, c'est dans la prière que se développe cette relation de foi et d'amitié, par la lecture des Écritures, la méditation, la prière personnelle. On pourrait même dire que la prière chrétienne toute entière n'est autre que la réponse à cette question. Et d'ailleurs, si nous nous rassemblons ici régulièrement, n'est-ce pas aussi pour nous entraider à approfondir cette relation de prière personnelle avec le Seigneur Christ ?

Relations personnelles mais aussi relations communautaires avec le Seigneur, comme cela apparait dans la deuxième partie de l'évangile d'aujourd'hui où il est question de l'Eglise.

Vous l'avez entendu : à la question 'qui suis-je pour vous ?' l'apôtre Pierre a donné, semble-t-il, la bonne réponse : «  Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !  ». Et il reçoit les félicitations de Jésus. Et même encore tout un couplet : «  Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église.  » Pour qu'on ne l'oublie pas, ce texte est écrit dans la coupole de la Basilique Saint-Pierre en lettres de 2m10 de haut :

TU ES PETRUS

ET SUPER HANC PETRAM

AEDIFICABO ECCLESIAM MEAM.

C'est donc l'occasion de nous poser une autre question difficile : quelle est mon rapport à l'Église ? Comment est-ce que j'accueille ce que dit le successeur de l'apôtre Pierre ?Mais aussi : faut-il vraiment tous ces intermédiaires, le pape, les évêques, les prêtres ? Mon contact direct avec Jésus ne suffit-il pas ? Bref, avons-nous encore besoin de toute cette Église qui est comme cette grande construction en pierre, au-dessus de la tombe de saint Pierre ? une très belle bâtisse, certes, mais où nous ne nous sentons pas tellement chez nous...

Rassurez-vous ! Je ne vais pas en profiter pour encore vous mettre au défi d'adhérer inconditionnellement à la sainte Église !

Mais retournons au texte de l'évangile. C'est un fait : Jésus a quelquefois besoin de se retrouver seul avec son Père qui est dans les cieux, pour raviver sa communion, pour le louer et demander son aide, mais il retourne ensuite toujours dans la plaine, pour rencontrer les gens, parce qu'il est plein de compassion pour eux. C'est pour cela aussi qu'il a voulu former un groupe, une église, qui puisse continuer sa mission. Parce que, pour pleinement réaliser l'évangile, nous avons besoin de vivre en communion avec d'autres.

Je ne veux pas insister aujourd'hui sur cet aspect de notre vie à suite de Jésus ; je veux simplement remarquer que cette deuxième partie du texte d'évangile d'aujourd'hui est bien à sa place, à côté de l'appel que le Seigneur nous adresse personnellement. Parce que notre appartenance personnelle au Christ n'est pas individuelle ; elle est toujours située, portée par une communion plus large.

Et je voudrais encore rappeler, en finale, que, si nous faisons bien de rester attachés à l'église, à Pierre et à ses successeurs, ce n'est pas uniquement, parce que, comme Pierre, ses responsables actuels ont toujours la bonne réponse, parce qu'ils savent toujours mieux. Ils nous aident bien sûr à mieux connaitre la loi d'amour, et c'est important. Mais, comme il est dit dans un autre évangile, nous savons que, si le Christ a finalement confié tout le troupeau de ses brebis à l'apôtre Pierre, c'est bien plus parce qu'il a aimé davantage.

Oui, mes sœurs, mes frères, si nous sommes en Église, c'est pour aimer davantage.