Une homélie de fr. Yves de patoul
Les deux grands temps liturgiques que sont l'Avent et le Carême commencent tous deux par le désert, ce lieu vide, effrayant, mais propice au silence, à la solitude, à la réflexion, au bon choix. Chacun de nous peut s'imaginer qu'il est lui aussi dans un désert : à la croisée des chemins dans sa vie, il est en train d'errer dans un lieu enténébré, saturé de désirs qui le rongent comme dit le psalmiste, il est sans repère, à la recherche de sens vers où se diriger, à l'affut de réponses à des questions qu'il se pose de façon lancinante : « qu'est-ce que je vais devenir ? qui va assurer mes vieux jours ? que ferai-je sans toi ? » et bien d'autres questions existentielles.
Au début du Carême, c'est Jésus qui est poussé par l'Esprit pour résister au Satan qui essaie de le surprendre. Et il nous est alors proposé de le suivre dans son combat contre le diable, le diviseur, celui qui inverse le bien et le mal. Au temps de l'Avent, dans notre évangile, tous les habitants de Jérusalem et de Judée courent à la rencontre du prophète Jean pour l'entendre. On peut supposer qu'ils sont déboussolés, qu'ils ne savent plus qui ils doivent croire. Ils ont entendu tellement de discours prometteurs, un peu comme nous avec nos politiciens qui ont fait croire que tout allait changer avec eux. Et certains de ces prophètes se sont même fait assassiner. Mais Jean avait la cote. Pourquoi ? Avant tout à cause de sa grande humilité.
Cette grande humilité de Jean le Baptiste tient à plusieurs raisons. D'abord, il est habillé simplement (ceinture en cuir et poils de chameau) et il mange de façon très frugal (des sauterelles et du miel sauvage). C'est un « écolo pratiquant avant la lettre. Les écolos devraient en faire leur saint patron ; sauf que son discours est loin d'être électoraliste. Il est plutôt du genre Greta Thunberg : menaçant, décapant, dérangeant. Encore que le récit de l'évangéliste Marc est assez sobre. « Mon messager crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses chemins », comme l'avait déjà dit le prophète Isaïe plusieurs centaines d'années avant lui ; et Jean Baptiste « apparut dans le désert baptisant d'un baptême de conversion pour le pardon des péchés ».
Jean Baptiste est comme le prophète qui indique le chemin vers un autre qui est plus grand que lui : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber pour défaire la courroie de ses sandales ». « Tout vrai prophète ne fleurit que pour mourir », disait l'Abbé Mark Ephrem du Bec Hellouin dans un homélie. Et nous savons que Jean le cousin de Jésus a lui aussi été assassiné comme bon nombre de ses prédécesseurs de l'Ancienne Alliance et que Jésus lui-même le sera encore mais l'abaissement total du Fils de Dieu équivaudra à sa résurrection, la victoire définitive sur le mal. L'humilité de Jean est d'ailleurs quasi proverbiale : « Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse » (Jn 3, 30). « Il est appelé à s'effacer pour que Celui dont il parle puisse briller davantage », ajoutait l'Abbé Mark ». « Voici venir Celui qui est plus puissant que moi » proclamait-il à ceux qui venaient l'écouter.
Réfléchissons maintenant à cette question : comment ces paroles du Baptiste peuvent-elles nous toucher aujourd'hui comme elles on touché les foules venues en grand nombre de Jérusalem et de toute la Judée ? Nous avons besoin de donner un sens à notre vie, de l'orienter vers celui qui peut vraiment nous sauver pour autant bien sûr que nous reconnaissions nos erreurs, nos fautes, nos péchés. Jean Baptiste proposait un baptême d'eau pour le pardon des péchés. Osons, nous aussi, de marcher comme eux dans l'eau jusqu'au cou, laissons-nous nous submerger par l'eau purifiante du baptême. Ne restons pas seulement sur les rives du Jourdain, mais entrons avec détermination en eaux profondes pour nettoyer toute la saleté qui souille notre corps, notre esprit et notre cœur.
Tel est le message que l'évangile d'aujourd'hui veut nous délivrer. C'est le même que celui qu'adressait le grand prophète Isaïe 6 siècles avant Jésus Christ au peuple qui entrevoyait une issue positive à la captivité babylonienne grâce à la montée en puissance de Cyrus le Perse. L'histoire se répète, c'est ce qui nous donne le droit à penser que les conflits qui secouent notre planète en Palestine, en Ukraine, au Kivu, au Yémen où les victimes se comptent par dizaine de milliers, ces conflits trouveront nécessairement une fin, la paix y reviendra. Dieu sera toujours glorifié par des âmes droites et pures dans ces pays en guerre. Quand Isaïe dit qu'il faut aplanir les sentiers et les rendre droits, il y a un double sens historique et spirituel : les Israéliens avaient été forcés par les Babyloniens à des travaux titanesques (pour ne pas dire pharaoniques) ; maintenant ils sont invités fictivement à faire des boulevards à travers tout, y c. le désert, pour que le grand roi Cyrus vienne jusqu'à Jérusalem en triomphateur. Celui-ci était une figure du Messie qui devait venir et à qui il faut dégager, préparer le chemin pour qu'il arrive jusqu'à nous.
Nous pouvons très bien prendre ces consignes à notre compte : préparons-nous à recevoir le divin Messie par des actes de charité ou à défaut des aumônes au profit des pauvres afin qu'eux aussi puissent trouver la joie de Noël. Chacun à sa mesure est invité à laver tous ses péchés pour rendre droits les chemins par lesquels le Seigneur Jésus viendra dans notre demeure. Plus d'idées tortueuses, plus de mensonges entre nous. « Le Seigneur prend patience envers vous, dit saint Pierre, car il veut que tous parviennent à la conversion ... C'est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice que nous attendons »
Je conclurai avec les mêmes termes que l'Apôtre Pierre : « Bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu'on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix ».
Consolez, consolez mon peuple, - dit votre Dieu - parlez au c?ur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu'elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes.
Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »
Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son c?ur, il mène les brebis qui allaitent.
- Parole du Seigneur.
Is 40, 1-5.9-11
J'écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple et ses fidèles. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre.
Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice.
Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin.
84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14
Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu'il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu'on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution, vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l'avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion. Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c'est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. C'est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu'on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix.
- Parole du Seigneur.
2 P 3, 8-14
Commencement de l'Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j'envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m'abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Mc 1, 1-8