Une homélie de fr. Pierre de Béthune
Comment célébrer dans notre assemblée et au profond de notre cœur un évènement aussi extraordinaire que la naissance de Jésus, le Messie tant attendu ? Mais on pourrait d'abord se poser la question : est-ce tellement extraordinaire ? Combien n'y a-t-il pas, cette nuit même, de mamans qui doivent mettre au monde leur enfant en grande précarité, dans l'angoisse ? C'est en tout cas la première chose qui nous frappe en entendant cet évangile : notre Sauveur est venu au monde dans un grand dénuement, partagé avec les plus démunis. Et c'est ce que nous retenons surtout. Quand nous contemplons l'icône de la Nativité, ici dans notre chapelle, nous voyons que Jésus y est même représenté tout nu et couché sur la terre nue. Le texte de l'évangile est pourtant clair : il a été « emmailloté et couché dans une mangeoire ». Mais l'icône n'est pas réaliste : elle représente effectivement le mystère de cette Nativité de notre Seigneur, tel que nous le méditons depuis des siècles : notre Sauveur est venu sur notre terre dans le plus grand dénuement.
Et cependant, dans l'évangile, il y a aussi les anges qui chantent... Oui, mes frères, mes sœurs, pour bien célébrer le mystère de Noël, nous devons tout voir : le logis précaire de la 'crèche', l'enfant, sa mère, les bergers, mais aussi « la gloire du Seigneur qui les enveloppe de sa lumière. Et la troupe céleste innombrable qui louait Dieu en chantant : 'Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix aux hommes qu'il aime'. » Cet aspect glorieux de la nuit de Noël n'est pas anecdotique, voire folklorique. Il en fait bien partie. Si nous l'oublions, nous risquons de ne plus voir dans ce récit qu'une histoire touchante, dans un environnement de merveilleux, comme il se doit pour tout conte de fées.
Mais l'évangile évoque à la fois la gloire et la misère. Nous célébrons ce contraste étonnant. À l'Annonciation, l'ange Gabriel avait promis la venue de Jésus en précisant qu'« il sera grand et sera appelé fils du Très Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il règnera pour toujours et son règne n'aura pas de fin. » Et puis voilà ce bébé, entouré de beaucoup d'affection, mais qui ouvre les yeux dans un environnement misérable, et que ses parents devront bientôt emporter avec eux dans leur fuite en Égypte, parce que c'est Hérode qui règne sur le trône de David, à Jérusalem.
Nous devons bien accueillir ce contraste et recueillir le message que révèle cette situation, car dans les évangiles tout a une signification. Il nous faut respecter les deux pôles de ce contraste, la pauvreté réelle de cette famille sans domicile, et la présence mystérieuse de Dieu. C'est surtout nécessaire aujourd'hui, parce que la présence de Dieu s'efface dans notre monde et nous avons tendance à ne pas prendre en compte la partie glorieuse, divine, de l'évènement de Noël. Toute intervention de Dieu semble désormais inutile. Le respect pour la dignité de tout être humain devrait suffire, dit-on, pour assurer une attention généreuse pour autrui.
Or nous pensons que, au contraire, sans cette référence au Seigneur qui a dit : « ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait », sans cette référence à Dieu, l'attention aux plus pauvres et pour nos frères et sœurs ne peut pas atteindre toute son ampleur. Tant que nous ne pouvons pas voir en chacun un 'enfant de Dieu', qui mérite une attention inconditionnelle, notre service risque d'être encore incomplet.
Il est vrai, et c'est notre joie, que, à Noël, on célèbre surtout l'enfant Jésus, la douceur de l'affection portée par ses parents et ces bergers un peu frustes, mais si attentionnés. Et c'est bien vrai qu'avec Jésus, il nous a été demandé de porter toute notre attention aux plus pauvres et surtout aux enfants. Que de fois il nous demande de regarder les enfants, les tout petits, parce qu'il nous faut devenir comme eux, pour entrer dans les Royaume des cieux. On ne pourra jamais oublier son insistance sur un changement de regard, une conversion vers les derniers qui doivent être les premiers servis. Nous sommes toujours appelés à cette conversion.
Mais en définitive c'est la foi en Dieu qui assure ce changement de regard et un respect total pour chacun et chacune, car, par la foi, nous savons que « l'homme passe infiniment l'homme », et qu'il est fait « à l'image de Dieu ». Oui, comme me disait un ami, « il ne faut jamais oublier que l'évangile est bien de notre terre, mais il a aussi ses racines dans le ciel ». Jésus nous parle d'ailleurs constamment de son « Père du ciel », et il nous demande de faire sa volonté « sur la terre comme au ciel ».
Mes frères, mes sœurs, veillons à garder toute son ampleur à cette fête de Noël, fête intime, mais toujours ouverte sur Dieu. Car alors, elle n'est pas un moment d'évasion, mais une source de grande énergie, pour porter sur tous nos frères et sœurs un respect infini.
Quelles que soient ces images un peu mythiques des anges qui chantent en chœur dans le ciel de Bethléhem, nous sommes reconnaissants à l'évangéliste Luc de nous avoir raconté ainsi la venue au monde de Jésus notre Seigneur. Ce récit de la naissance de Jésus, - vécue comme, hélas, beaucoup de mamans doivent la vivre, aujourd'hui encore, dans la misère, - ce récit nous révèle en même temps la présence réelle et mystérieuse de Dieu dans notre monde. C'est pourquoi, avec l'aide constante de notre Père qui est aux cieux, nous recevons, nous aussi, dans ce mystère de Noël une force nouvelle, pour vivre et répandre autour de nous la paix de Dieu, « la paix aux hommes qu'il aime ».
Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion. Éclatez en cris de joie, vous, ruines de Jérusalem, car le Seigneur console son peuple, il rachète Jérusalem ! Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu.
- Parole du Seigneur.
Is 52, 7-10
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s'est assuré la victoire.
Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ; il s'est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d'Israël.
La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez !
Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ; au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !
97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4, 5-6
À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes. Rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être, le Fils, qui porte l'univers par sa parole puissante, après avoir accompli la purification des péchés, s'est assis à la droite de la Majesté divine dans les hauteurs des cieux ; et il est devenu bien supérieur aux anges, dans la mesure même où il a reçu en héritage un nom si différent du leur. En effet, Dieu déclara-t-il jamais à un ange : Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré ? Ou bien encore : Moi, je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils ? À l'inverse, au moment d'introduire le Premier-né dans le monde à venir, il dit : Que se prosternent devant lui tous les anges de Dieu.
- Parole du Seigneur.
He 1, 1-6
Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C'est par lui que tout est venu à l'existence, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée.
Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l'existence, mais le monde ne l'a pas reconnu.
Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu. Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C'est de lui que j'ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. » Tous, nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ; car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c'est lui qui l'a fait connaître.
- Acclamons la Parole de Dieu.
OU LECTURE BREVE
Jn 1, 1-18