Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chers amis. Souhaitons-nous un joyeux Noël, dans une fête qui unit ciel et terre, les anges et les bergers, l'étable avec l'âne et le bœuf, et le centre, occupé par un Enfant nouveau-né, couché dans une mangeoire. Notre chapelle s'est ornée de haut en bas, avec au cœur la vénérable icône qui attire tous les regards.
Mais cette année s'ajoute une photo, placée juste devant l'autel. Vendredi dernier au petit matin notre doyen de presque cent ans, le P. Yves Leclef, nous a quittés, doucement sereinement. Il a anticipé la fête pour rejoindre les chœurs qui chantent sans fin et la grande communion des saints. La photo nous le rend encore un moment bien présent parmi nous, comme s'il voulait reprendre la parole et commenter par une de ses réflexions lucides ce qui vient d'être dit. Jeudi matin il y aura les funérailles. La vie et la mort, l'enfant et le vieillard, le début et la fin très souvent se touchent dans tout le vécu qui nous traverse. N'en soyons pas surpris. L'enfant qui naît dans ce dénuement si frappant, aura comme destin de mourir également dans la nudité, en marge, oui exclu par les grands de ce monde. Mais son nom dit : « Salut » ! « Sauveur » au nom de Dieu, Yeshou'ah. Invoquons-le avec foi pour que son Nom règne victorieux, sur toute notre réalité d'aujourd'hui, également sur la vie accomplie de notre confrère Yves.
Homélie
« Qu'ils sont beaux les pieds qui courent sur les montagnes, les pas du messager qui annonce la Bonne Nouvelle, qui dit à Sion : ton Dieu règne » !
Fraîcheur, surprise, beauté, chaleur au cœur dans la nuit : un Dieu vient en vainqueur !
« Un enfant nous est né, une grande lumière s'est levée ! un fils nous est donné ! éternelle est sa victoire » ! Voilà comment on chanté cette nuit la venue merveilleuse de cet Enfant si attendu !
Comme on aime entendre ces perspectives de paix, de justice, de victoire sur le Mal, la fin des guerres.
Me revient à l'esprit un vieux poème d'un certain Leo Vroman, un poète flamand. Il proclame : je ne me lasse pas de t'entendre dire et, répète-le moi à l'infini : oui, dis-moi comment la guerre a disparu, dis-le moi bien cent fois de suite, à tous les coups je pleurerai !
Kom vanavond met verhalen Viens ce soir avec des contes, hœ de oorlog is verdwenen,comment la guerre a disparu en herhaal ze honderd malen:et raconte-les moi bien cent fois alle malen zal ik wenen.toutes les fois je pleurerai !
Mais la dernière guerre n'a toujours pas disparu, les foyers brûlent jusque dans la nuit de Noël à Gaza, avec de nouveau des dizaines et dizaines de morts. Un incendie endémique caractérise la race humaine... aux quatre coins de notre monde.
Les Psaumes ouvrent portes et fenêtres pour faire voir et entendre qu'il y a un autre horizon que celui qui est en feu par nos armes génialement fabriquées, toujours plus sophistiquées, à savoir toujours plus méchantes... Envoyer chaque jour trois mille obus contre celui qui le même jour en délivre dix mille. Or chaque obus, chacun de ces treize mille obus délivrés par jour coûte une fortune énorme, de quoi nourrir un nombre incalculable d'enfants pendant des dizaines années. En un jour on gaspille des fortunes de part et d'autre et on arrive à se solidariser des quatre coins du monde pour alimenter l'un camp plutôt que l'autre, avec ces armes funestes qui viennent remplacer des armes qui étaient tout juste un peu moins funestes à la guerre précedente...
Des gens très sérieux avec des cravates bleues ou rouges, décident de tout cela et se font respecter mondialement. Demain ils se serreront les mains avec le sourire : en disant des demies vérités et des demis mensonges pour tranquilliser les esprits, qui pourraient toujours encore s'enflammer. Certains lanceront le nom de leur Dieu au milieu de leur discours, fiers d'avoir vaincu alors que toute une jeunesse a été massacrée et tant de familles se retrouvent déjà en ce jour de Noël sans père ni frère, bien des enfants sont mutilés et traumatisés pour le restant de leurs jours.
Et pourtant... Les grands textes que nous avons lu cette nuit et entendu tout juste dans la liturgie de la Parole traversent l'horreur et ouvrent encore et encore une voie vers tout autre chose : « grâce sur grâce », « gloire sur gloire », bonté même infime et douceur fragile à l'extrême qui surpassent toutefois toutes les grossièretés les plus violentes.
« Un enfant nous est né, un fils nous est donné ; éternelle est sa victoire... »
Nos gestes sont pauvres, nos paroles nécessairement humbles et douces, mais notre foi en Celui qui passe parmi nous est « victorieuse sur le monde », dit saint Jean, elle crée du neuf, redonne beauté et espoir à l'humanité blessée et humiliée.
Le discours chrétien dans son noyau le plus pur, est inclusif, pardonnant, miséricordieux, patient à l'infini, et en cela plus fort que toute la méchanceté comme aussi toute la bêtise humaines réunies !
Restons-y fidèles, plus que jamais !
« Le verbe s'est fait chair ».
La chair a reçu ce Verbe, en a été pétrie, pénétrée, contaminée de fond en comble et depuis, la chair a retrouvé sa destinée première : la gloire, dit saint Jean.
Marchons vers cette gloire avec notre pauvreté.
Donnons-nous la main, l'un à l'autre, pour avancer ensemble dans cette direction glorieuse !
Nos assemblées ici et aux quatre coins du monde sont des foyers où se nourrit une alternative plus forte que la violence, contraire à la volonté de nier radicalement l'autre, des maisons d'accueil, de prière, d'intercession : « Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples », selon l'ancienne prophétie d'Isaïe que Jésus lui-même citera dans le temple de Jérusalem.
« Souviens-toi, ô homme, de ta dignité » ! C'est le Pape saint Léon le Grand qui proclame ces mots dans la nuit de Noël à Rome au cinquième siècle. Oui, rappelons-le à tous nos contemporains, petits et grands : souvenez-vous de votre dignité d'homme, créé à l'image de Dieu, enfants d'un même Père, frères et sœurs les uns des autres, pour construire une maison hospitalière, ouverte à un partage qui inclut toutes les couleurs, langues, races, peuples et nations.
Noël est un jour où les plus beaux rêves sur la condition humaine peuvent retentir à nouveau. Et un tout premier rêve digne de notre Dieu est de penser un monde fait de justice et de paix. Or la crèche de Bethléem nous indique le mode pour s'y acheminer : l'humilité, la sagesse du dépouillement, la tendresse pour le plus fragile, la douceur pour l'exclu qui est l'élu de Dieu.
Nos gestes eucharistiques que nous allons poser, baignent dans ce même climat : le pain est humble, la fraction est un partage illimité pour tous, sans distinction. Soyons en digne, et sortons de ce sanctuaire ayant « les pieds du messager de la Bonne Nouvelle » : « Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui annonce la Bonne nouvelle : ton Dieu règne, dans la justice et la paix ». Amen.
Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion. Éclatez en cris de joie, vous, ruines de Jérusalem, car le Seigneur console son peuple, il rachète Jérusalem ! Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu.
- Parole du Seigneur.
Is 52, 7-10
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s'est assuré la victoire.
Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ; il s'est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d'Israël.
La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez !
Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ; au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !
97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4, 5-6
À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes. Rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être, le Fils, qui porte l'univers par sa parole puissante, après avoir accompli la purification des péchés, s'est assis à la droite de la Majesté divine dans les hauteurs des cieux ; et il est devenu bien supérieur aux anges, dans la mesure même où il a reçu en héritage un nom si différent du leur. En effet, Dieu déclara-t-il jamais à un ange : Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré ? Ou bien encore : Moi, je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils ? À l'inverse, au moment d'introduire le Premier-né dans le monde à venir, il dit : Que se prosternent devant lui tous les anges de Dieu.
- Parole du Seigneur.
He 1, 1-6
Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C'est par lui que tout est venu à l'existence, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée.
Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l'existence, mais le monde ne l'a pas reconnu.
Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu. Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C'est de lui que j'ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. » Tous, nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ; car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c'est lui qui l'a fait connaître.
- Acclamons la Parole de Dieu.
OU LECTURE BREVE
Jn 1, 1-18