Homélie du 7 janvier 2024

Vous serez peut-être surpris, mais je me suis attardé sur le portrait de ces Mages mystérieux qui, interrogés par le roi féroce, Hérode, sur le but de leur voyage : répondent simplement : «  Nous sommes venus nous prosterner devant le Roi des Juifs.  » Hérode leur donne l'adresse et, joignant l'acte à la parole, les Mages, ayant trouvé le vrai Roi, viennent se prosterner devant Lui. Mission accomplie, ayant trouvé Celui qu'ils cherchaient, ils repartent sans autre contact avec Hérode, le roi jaloux d'un éventuel concurrent.


Ils sont donc venus de loin, à la recherche de quelque chose, de Quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas : Isaïe
 décrit d'avance cette épopée dans une fresque merveilleuse et dynamique : «  Debout ! Jérusalem, elle est venue, 
 ta lumière... les rois, vers la clarté de ton aurore...  » (Is. 60, 3).


Paul renchérit, dans sa lettre aux Ephésiens : alors que nous qui étions sans Dieu ni espérance en ce monde, une lumière, une connaissance, une révélation nous est donnée ; la réalité merveilleuse qu'Isaïe pressentait, que les Mages cherchaient, voilà que l'Esprit de Dieu le révèle, le fait connaître à ceux qui ouvrent joyeusement à l'Enfant la porte de la foi.


Grâce à l'Enfant, le lien avec Dieu, jadis rompu, est rétabli, le ciel est ouvert. Soyons réalistes, ne nous berçons pas d'illusions : humainement parlant, à la lecture du journal, tout ne paraît-il pas compromis, abîmé, corrompu, condamné, désespérant ? Un petit nourrisson à la mamelle pourrait-il changer le cœur de l'homme et la face du monde ?
 Eh bien : oui ! C'est notre foi ! Mais, mystère difficilement compréhensible, nous savons que ce nourrisson passera par la folie de la Croix, ignoré de tous, pour nous ménager un merveilleux accès vers le Père.



Vivre l'Epiphanie ce n'est donc pas attendre avec attendrissement qui aura la fève de la galette des rois mais, comme le petit Prince de Saint-Exupéry, préparer son cœur, son esprit, pour réaliser ce dont il s'agit vraiment, en profondeur : préparer l'or, l'encens et la myrrhe : l'or de notre amour (ça vaut de l'or !) l'encens parfumé de nos bons engagements, la myrrhe de la patiente acceptation de nos diminutions, de nos morts. On est loin du folklore ou plutôt : le folklore peut nous aider à exprimer des réalités plus profondes comme la poésie qui supplée à la pauvreté du langage.


Frères et Sœurs, revenons à l'expression « se prosterner  » présente des centaines de fois dans la Bible : devant qui, devant quoi allons-nous nous prosterner cette année ? Se prosterner ? Ça peut paraître peu efficace, fantaisiste, pas du tout dans l'air du temps, encore que les disciplines corporelle connaissent de nos jours un franc succès. Quoi qu'il en soit, ayons le toupet, comme les Mages, de nous prosterner, si pas de corps, au moins de cœur et d'âme devant ce petit d'homme, doux come un Agneau.

A propos d'Agneau, le fr. Yves nous parlait mercredi dernier de l'Agneau de Dieu car c'est sous ce vocable que Jean Baptiste désigne Celui qui va débarrasser le monde du poison du péché qui continue de déferler comme une inondation qu'on ne peut maîtriser. Cet Agneau, c'est en Lui que nous sommes invités à mettre notre espérance : Kyrie Eleison ! Seigneur, montre-nous la tendresse de tes entrailles qui ne cessent de s'émouvoir pour nous ! Cet Agneau, nous le retrouvons en finale de la Bible, au livre de l'Apocalypse : là il ne s'agit plus de Mages ni d'Anges mais de 24 souples vieillards qui se prosternent pour adorer en lançant leurs couronnes devant le trône.



Je craignais un peu de vous servir ce message de «  prosternement  » qui semble décoller de la réalité, quand une petite phrase d'un auteur spirituel contemporain a attiré mon attention : «  Ce n'est que si nous nous inclinons profondément devant les rivières et les océans, les collines et les montagnes qui nous hébergent, qu'ils peuvent à leur tour devenir transparents et nous révéler leur sens véritable.  »



Mes Sœurs, mes frères rejoignons tous les chercheurs de Dieu, les marcheurs à l'étoile dont nous parlent les Ecritures ; prosternons-nous, si pas physiquement au moins spirituellement devant le trône de notre Agneau Bien-aimé en proclamant :

«  Tu es digne de recevoir gloire honneur et puissance
car c'est Toi qui créas l'univers

c'est par ta volonté qu'il n'était pas et fut créé  ». (Ap. 4, 11)

Amen !