Une homélie de fr. Grégoire Maertens
Le lépreux guéri est très désobéissant ! Il se met à proclamer à tous vents la nouvelle de sa guérison ! Or Jésus ne s'est pas contenté de dire : respecte les formalités d'usage, va trouver le prêtre et puis sois discret, pas de tapage ! Non ! Jésus a commandé : « Attention ! Ne dis rien à personne ! » Or c'est le contraire qui se produit : la nouvelle fait la une de tous les journaux du coin.
J'envie ce lépreux : au sortir de la Messe je voudrais me sentir envahi d'une parole de profonde reconnaissance pour ce qui vient de se passer, voire d'une réelle tendresse à l'égard de ce Messie que, chaque jour, je suis invité à prier. Je voudrais donc crier partout : je suis sauvé, je suis sauvé ! Mais, comme les mots sont usés !
Sauvé ? Qu'est ce à dire ? Si ce n'est : entré dans un autre monde, sorti de l'eau du Baptiste pour entrer dans celle de Jésus. Sorti de la lettre des vieilles prescriptions du premier Testament qui ont fait leur temps, pour saisir à bras le corps ou à bras le cœur les paroles non pas d'un simple prédicateur mais d'un sauveur.
Un Sauveur qui ne fait pas campagne à coup de prodiges ; qui ne se met pas en vue pour un succès personnel mais qui se veut transparent, transparent à la présence d'un Autre. Un sauveur qui vient guérir, purifier, pardonner au nom, d'un tout Autre et qui nous fait cadeau de son Esprit.
En même temps, il ne cesse de s'émerveiller de la confiance que certains lui témoignent tandis que d'autres se moquent de Lui. Ce n'est pas une question d'il y a 2000 ans : c'est aujourd'hui, pour moi, pour vous, pour tous mes frères et sœurs humains : faire confiance ou se moquer.
Oui, le voici ce Sauveur qui tente par tous les moyens de ramener vers leur Père le cœur de ses enfants. Je dis : « par tous les moyens », en fait il faudrait dire, en langage moderne : « par sa qualité de contact », ce que l'évangile de ce jour exprime en des termes que nous sommes peut-être trop habitués à entendre : « Saisi de compassion, Jésus étendit la main... ». Il agit ainsi, pour ainsi dire, en lieu et place du Père : Notre Dieu invisible devient visible : Jésus, « icône du Dieu invisible » dira St Paul (Col. 1, 15). Nous laisserons-nous toucher par lui aujourd'hui ? Laisserons-nous libre cours à l'action du Dieu cordial ? ou serons-nous un obstacle pour le monde qui nous presse de tous côtés ? Comme disait quelqu'un : serons-nous chemin de Dieu ou dans le chemin de Dieu ?
A chacun donc de faire retour sur soi-même : non pour faire un bilan catastrophique ou tristounet de sa vie, de se complaire dans de vieux remords mais plutôt pour s'exposer au soleil du salut et chanter avec le psalmiste : « Je t'ai fait connaître ma faute, j'ai dit ; je rendrai grâce au Seigneur en confessant mon péché » (ps. 31,5) : voici que le confessionnal devient le lieu où chanter « Alleluia ! » St Paul ne dit pas autre chose, dans la lecture que nous avons entendue : « Je tâche de m'adapter à tout le monde, en toute circonstance, dans l'intérêt de tous, pour qu'ils soient sauvés. »
Revenons à Jésus : Il n'a pas été un obstacle pour ceux qui l'ont approché dans la confiance : il ne les a pas plié à ses exigences mais il a répondu à la leurs humbles demandes. Du coup, grâce à leur humilité, ils ont pu expérimenter ce que St Jean a exprimé dans un formule lapidaire : « Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est Lui qui nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 7).
Frères et sœurs, nous voici sauvés, passés d'un monde à l'autre, de l'ombre à la réalité, du baptême d'eau au baptême de l'Esprit.
N'y a-t-il pas là de bonnes raisons de chanter : « Alleluia ? »
Le Seigneur parla à Moïse et à son frère Aaron, et leur dit : « Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une pustule, qui soit une tache de lèpre, on l'amènera au prêtre Aaron ou à l'un des prêtres ses fils. Le lépreux atteint d'une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu'aux lèvres, et il criera : ?Impur ! Impur !? Tant qu'il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C'est pourquoi il habitera à l'écart, son habitation sera hors du camp. »
- Parole du Seigneur.
Lv 13, 1-2.45-46
Heureux l'homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! Heureux l'homme dont le Seigneur ne retient pas l'offense, dont l'esprit est sans fraude ! Je t'ai fait connaître ma faute, je n'ai pas caché mes torts. J'ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. » Toi, tu as enlevé l'offense de ma faute. Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! Hommes droits, chantez votre allégresse !
31 (32), 1-2, 5ab, 5c.11
En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l'instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l'écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Mc 1, 40-45