Homélie du 2 juin 2024

Ceci est mon corps, ceci est mon sang

Le Saint Sacrement - Année B

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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En ce jour de la fête du Sacrement du corps et du sang du Christ, quoi de plus normal que de nous pencher dans cette homélie sur le sacrement de l'Eucharistie qui nous rassemble si souvent : tous les dimanches et même davantage puisque, à l'exception de la confession - je crois -, tous les autres sacrements se célèbrent dans une eucharistie. Celui-ci est donc le sacrement par excellence, celui qui fait de nous des fils et des filles de Dieu, sans lequel nous ne pouvons pas rester longtemps disciple de Jésus. Le Concile Vatican II l'a défini comme «  la source et le sommet de toute vie chrétienne  », d'autres en ont fait «  le sacrement de l'amour  » (pape Benoit XVI), et aussi le sacrement de l'unité. Les théologiens quant à eux disent encore qu'il est «  le sacrement de la foi  » : grâce à lui les fidèles chrétiens sont engendrés et maintenus dans la foi au Christ : ce Christ qui leur est présent dans sa parole proclamée, dans la personne du prêtre qui le représente, dans le pain rompu et partagé, et même dans l'assemblée entière qui est son corps. De la même manière qu'on dit que l'Eglise est le corps du Christ, on peut dire que l'assemblée que nous formons tous ensemble est une partie du Corps du Christ.

Reprenons le meilleur de ces définitions en sachant qu'il y en a bien d'autres qui nous intéressent moins. Par exemple celle qui fait de l'Eucharistie un sacrifice, ou plus exactement le mémorial de la Passion et de la Résurrection du Christ. Un mémorial qui s'inscrit dans une vieille tradition, celle de la Pâque juive qui célébrait la délivrance du peuple symbolisée par un agneau égorgé, pur, sans tache qu'il fallait manger dans la hâte. Nous chrétiens, nous disons que cet Agneau est le Christ lui-même qui a souffert sa passion et qui est ressuscité. La lettre aux Hébreux l'explicite de façon magistrale. Voilà l'explication du chant que vous connaissez bien : Agnus Dei, Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Cette tradition passe par le Serviteur souffrant d'Isaïe comparé à un agneau conduit à l'abattoir.

Ce qu'il faut retenir de toutes ces approches, c'est que «  la messe  », comme on disait dans le temps, ou l'eucharistie, est une institution dans laquelle ou par laquelle le Christ scelle une nouvelle alliance avec nous : il offre sa présence de façon symbolique mais réelle «  chaque fois que vous faites cela en mémoire de moi  ». Je suis avec vous jusqu'à la fin des temps, nous dit-il, grâce à l'eucharistie, grâce au don que je vous fais de mon corps et de mon sang. Croire en la présence réelle du Christ dans l'eucharistie c'est croire au Christ mort et ressuscité qui a porté sur lui nos péchés en portant sa croix. Dans ce sens l'eucharistie est le sacrement de la foi. Elle nous aide à nous rappeler régulièrement quel est l'objet de notre foi : Dieu qui a envoyé son Fils par amour des hommes incapables de se sauver par eux-mêmes. Jésus nous a montré le chemin qui conduit au Père. C'est un chemin de conversion à l'amour de plus en plus intense.

Nous avons essayé de dire ce qu'est l'eucharistie avec des définitions et des approches essentiellement théologiques. Essayons maintenant de dire ce qu'elle devrait être idéalement. Non pas pour plaire aux uns et aux autres, mais pour être véritablement sacrement de la foi, un soutien efficace pour eux tous. L'histoire et la pastorale sont pleines d'enseignements quant à la multiplicité des façons de célébrer l'eucharistie. Toutes sont-elles valables ? Il y a tant de manières qu'il est possible de s'y perdre. Le pape François a voulu intervenir pour mettre un peu d'ordre. Il s'est heurté à un mur de protestations provenant de France mais pas que.

Peu importe le rite qui peut varier d'un continent ou d'un pays à l'autre, la messe doit être belle autant que possible, mais elle n'est pas comparable à un spectacle, elle ne peut pas se réduire à un spectacle qu'on viendrait pour écouter telle chorale, tel organiste, ou pour voir telle procession ou tel rite. La messe ce n'est pas du théâtre ! Ceux qui la célèbrent ou qui l'animent (les prêtres, les choristes) mais aussi ceux qui y participent sont tenus à certaines règles de bienséance, une certaine retenue dans l'esthétique musicale, gestuelle, vestimentaire. Je vous cite un compositeur de musique que la communauté de Clerlande connaît bien, Philippe Robert dont nous chantons quelques compositions avec des paroles qui viennent le plus souvent des cisterciens :

«  Tout comme l'émotion liturgique, l'émotion musicale doit être suscitée par cette exclamation : 'Il est grand le mystère de la foi'.  Comment chanter ce mystère en ayant pleinement conscience de la grandeur de celui-ci ? Il ne s'agit plus de faire du sentiment, mais de se laisser saisir par le cœur même de la foi  »

Saint Benoit dit dans sa Règle Ut mens nostra concordet voci nostrae, c'est-à-dire qu'il faut une concordance entre le cœur et la voix. Le Concile de Trente (milieu du XVIe siècle) avait réagi contre des pratiques abusives où la musique (polyphonique) en était arrivée à supplanter les paroles sacrées en les rendant inaudibles. Un bel exemple de ceci est la messe que Clément Jannequin a composée sur la mélodie de son madrigal «  la bataille de Marignan 1515 ». Celle-ci est un joyau de la musique de la Renaissance. Je vous recommande d'écouter l'un ou l'autre. Dans ce cas précis de la messe de Cl. Jannequin, on peut dire que la mélodie procure un plaisir qui est supérieur au bienfait des paroles sacrées. Dans ses Confessions, saint Augustin avait dit la même chose : «  Quand il m'arrive de trouver plus d'émotion dans le chant que dans ce que l'on chante, je commets un péché. Je le confesse, et j'aimerais mieux alors ne pas entendre chanter  ». On en était arrivé jusqu'à supprimer dans la messe tout chant et a fortiori tout accompagnement musical. Palestrina est le musicien miraculeux qui a sauvé le chant qui était menacé comme l'était la musique en général pour la liturgie. L'histoire de l'Eglise est jalonnée d'autres querelles autour des rapports entre l'art et la spiritualité. Quelle importance par exemple faut-il accorder aux statues, aux fresques, à la peinture, pour ne pas parler de l'architecture ?

Pour retomber sur nos pieds, pour revenir à ce qui nous concerne, je dirais que nous gagnerons tous à prêter plus d'attention aux paroles que nous prononçons dans les lectures et dans les prières que nous récitons ensemble. La messe n'est pas une pure récitation de paroles qu'il faudrait dire à tout prix comme le font certains lecteurs peu entraînés ou certains prêtres qui ressemblent à des fonctionnaires qui accomplissent ce qu'on leur a dit de faire sans aucun état d'âme. Ayons conscience, réalisons vraiment que le mystère de la foi est grand.

Sachons bien faire la distinction entre les sentiments, la sensualité, ce qui nous plait d'une part, et d'autre part ce que la foi nous enseigne avec une certaine rigueur, une certaine vigueur. Je ne viens pas à la messe pour me faire plaisir, pour accomplir un devoir. Je viens à la messe pour faire grandir ma foi, pour saisir les exigences de la charité

 

Voici le sang de l'Alliance que le Seigneur a conclue avec vous

En ces jours-là, descendant du Sinaï, Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et toutes ses ordonnances. Tout le peuple répondit d'une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. » Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. Il se leva de bon matin et il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d'Israël. Puis il chargea quelques jeunes garçons parmi les fils d'Israël d'offrir des holocaustes, et d'immoler au Seigneur des taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des coupes ; puis il aspergea l'autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l'Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. » Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l'Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »

- Parole du Seigneur.

Ex 24, 3-8

Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait ? J'élèverai la coupe du salut, j'invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ! Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur, moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t'offrirai le sacrifice d'action de grâce, j'invoquerai le nom du Seigneur. Je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple.

115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18

Le sang du Christ purifiera notre conscience

Frères, le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Par la tente plus grande et plus parfaite, celle qui n'est pas ?uvre de mains humaines et n'appartient pas à cette création, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. S'il est vrai qu'une simple aspersion avec le sang de boucs et de taureaux, et de la cendre de génisse, sanctifie ceux qui sont souillés, leur rendant la pureté de la chair, le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est le médiateur d'une alliance nouvelle, d'un testament nouveau : puisque sa mort a permis le rachat des transgressions commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l'héritage éternel jadis promis.

- Parole du Seigneur.

He 9, 11-15

Lauda Sion

Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.

Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.

Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd'hui proposé comme objet de tes louanges.

Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu'il fut donné au groupe des douze frères.

Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l'allégresse de nos c?urs !

C'est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.

À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.

L'ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l'ombre, et la lumière, la nuit.

Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu'en sa mémoire nous le fassions après lui.

Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.

C'est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.

Ce qu'on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l'affirmer, hors des lois de la nature.

L'une et l'autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.

Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.

On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.

Qu'un seul ou mille communient, il se donne à l'un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.

Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.

Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !

Si l'on divise les espèces, n'hésite pas, mais souviens-toi qu'il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.

Le signe seul est partagé, le Christ n'est en rien divisé, ni sa taille ni son état n'ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges, il est le pain de l'homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu'on ne peut jeter aux chiens.

D'avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l'agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.

Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.

Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints.

Amen.

ad libitum) (

Ceci est mon corps, ceci est mon sang

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d'eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : ?Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?? Il vous indiquera, à l'étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.

Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »

Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 14, 12-16.22-26