Homélie du 9 juin 2024

C'en est fini de Satan

10ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine II du Psautier) - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Heureusement, on ne lit pas cet évangile le dimanche de la fête des mères ! Cette attitude, telle que décrite dans les trois évangiles est, de fait, étonnante. Est-ce vraiment ainsi que Jésus traitait sa maman ? Il faudra voir de plus près, et tâcher d'expliquer cette façon de faire ; il faudra surtout voir comment accueillir aujourd'hui cette partie de la 'Bonne Nouvelle'.

Pour cela, je veux d'abord situer ce texte. Les quelques versets qui précèdent notre texte me semblent importants pour le comprendre. Je vous les lis ici. «  Jésus monte sur la montagne et il appelle ceux qu'il voulait. Ils vinrent à lui et il les établit douze, pour être avec lui et pour les envoyer prêcher.  » Jésus choisit ses disciples, pour les envoyer devant lui, et il précise les exigences de cette mission. Dès lors la tension monte. Il s'engage désormais à fond dans cette entreprise et y entraine ses disciples. Il ne s'occupe plus d'une petite famille, d'une petite communauté d'amis. Il s'adresse aux foules, et il est pressé parc cette foule, au point de ne plus trouve le temps de manger son pain.

Alors sa propre famille s'inquiète. «  Il est fou !  » «  Cela va le mener à sa perte. Il est peut-être encore temps de le sauver. »

À cause de son succès de foule, Jésus est en effet engagé dans un conflit dangereux avec les autorités religieuses du pays. Non seulement il polémique avec les Pharisiens sur des questions de repos sabbatique et de pureté rituelle, mais il est maintenant accusé de blasphème, - l'accusation suprême (cfr au Pakistan aujourd'hui !) «  Il est possédé par Béelzéboul !  »

La réponse de Jésus à sa famille est alors : « C'est bien gentil de penser ainsi à moi, mais ce souci pour mon confort et ma sécurité est déplacé. Ce qui compte désormais, c'est d'aller. Aller avec moi, là où le Père m'appelle, quoi qu'il advienne.  » Seule importe désormais la venue du Royaume de mon Père. Même cette accusation extrême de blasphème - qui sera retenue contre lui lors de son procès devant le sanhédrin - même cette accusation à la peine capitale ne doit pas arrêter ses disciples-missionnaires.

Je crois que nous pouvons retenir deux choses de ces quelques lignes.

D'abord l'exigence d'une certaine rupture, et puis, en tout cas, la confiance dans notre Père céleste.

Pour aller à la suite de Jésus, en quelque état que nous soyons, religieux plus spécifiquement engagé pour une mission évangélique ou simple baptisé, il y a toujours des ruptures à effectuer. Il n'y a pas d'évangile soft. Il y a des exigences de respect, de service, de partage, de pardon qu'aucun disciple ne peut esquiver. Ce sont parfois des exigences de ruptures qu'il faut accepter si l'on veut garder le contact avec Jésus. Il insiste beaucoup sur la nécessité de ce choix. La seule appartenance théorique ne signifie pas grand-chose, s'il n'y a pas d'engagement concret.

Mais il ajoute immédiatement : «  Vous pouvez vous y engager dans la confiance, parce qu'alors, vous êtes, plus que jamais, enfants de notre Père céleste. » Il précisera plus tard : «  Sois sans crainte, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume  ».

Oui, mes frères, mes sœurs, nous aussi, nous sommes appelés à constamment refaire nos choix pour suivre le Christ, mais aussi à développer notre communion avec le Seigneur Jésus, si nous voulons être des disciples-missionnaires, pour témoigner de sa vie et de son amour. À nous aussi, aujourd'hui, il propose une communion plus forte et plus intime : non seulement être ses disciples, mais être pour lui comme des frères, des sœurs, et même comme une mère...

Cet évangile est en effet une invitation à encore approfondir notre relation à Dieu, par Jésus Christ. Dans son épître, saint Jean nous dit : «  Voyez quel grand amour le Père nous a donné : nous sommes appelés 'enfants de Dieu' et nous le sommes !  » Cet amour du Père pour ses enfants dont Jésus témoigne est universel mais aussi personnel. Je pense ici à un texte de Victor Hugo qui évoque une mère de famille nombreuse. (Je ne m'en souviens plus littéralement) Il dit : elle n'a qu'un amour, mais chacun de ses enfants l'a en entier. Oui, le vrai amour partagé est toujours entier.

C'est donc à chacun de développer cette relation, sur son chemin de vie avec Dieu, dans sa prière, son service, son engagement spirituel. Non pas une relation sentimentale et illusoire, mais existentielle, vitale. Comme avec nos propres parents, frères et sœurs, il ne s'agit pas tant d'échanges de paroles, mais d'une entente, d'une connivence tacite, plus forte que toutes les explications.

Cela suppose, comme l'évangéliste Luc l'explique dans un passage parallèle, d'écouter et de fréquenter la Parole de Dieu. «  Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique.  » Et Matthieu précise encore : «  Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c'est lui mon frère, ma sœur, ma mère.  » 

Alors, peu à peu, nous découvrons qu'une parenté toute particulière se développe avec ce Dieu qui habite en nous. Encore une fois, il ne s'agit pas d'une illusion sentimentale, mais d'une expérience de foi, enracinée dans notre vie.

Suivre Jésus, ce n'est pas comme suivre un chef de parti politique ou même un maître à penser, c'est entrer dans une familiarité, une communion de pensée et de sentiment. Saint Charles de Foucauld parlait de son «  Bien-aimé frère et Seigneur Jésus  ».

Mais revenons à Marie, la mère de Jésus. Elle est la première à avoir voulu cette communion filiale. Elle a dit, avec presque les mêmes mots, sa volonté de «  faire la volonté  » du Père, comme Jésus le demande dans l'évangile : à l'Annonciation, elle a dit à l'ange : «  Qu'il m'advienne selon ta parole  ». C'est donc en ce sens surtout qu'elle est la mère de Jésus.

Et à la fin de l'évangile selon saint Jean, il est encore écrit que Jésus, sur la croix, a dit à son disciple : «  Voici ta mère !  » Ainsi donc, Marie n'est pas seulement la mère de Jésus ; elle est aussi la mère de son disciple, notre mère, la Bonne Mère !

 

Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance

Lorsqu'Adam eut mangé du fruit de l'arbre, le Seigneur Dieu l'appela et lui dit : « Où es-tu donc ? » Il répondit : « J'ai entendu ta voix dans le jardin, j'ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. » Le Seigneur reprit : « Qui donc t'a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger ? » L'homme répondit : « La femme que tu m'as donnée, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. » Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu'as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé. » Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. »

- Parole du Seigneur.

Gn 3, 9-15

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière !

Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l'homme te craigne.

J'espère le Seigneur de toute mon âme ; je l'espère, et j'attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.

Oui, près du Seigneur, est l'amour ; près de lui, abonde le rachat. C'est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.

129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8

C'en est fini de Satan

En ce temps-là, Jésus revint à la maison, où de nouveau la foule se rassembla, si bien qu'il n'était même pas possible de manger. Les gens de chez lui, l'apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête. »

Les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient : « Il est possédé par Béelzéboul ; c'est par le chef des démons qu'il expulse les démons. » Les appelant près de lui, Jésus leur dit en parabole : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut pas tenir. Si les gens d'une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir. Si Satan s'est dressé contre lui-même, s'il est divisé, il ne peut pas tenir ; c'en est fini de lui. Mais personne ne peut entrer dans la maison d'un homme fort et piller ses biens, s'il ne l'a d'abord ligoté. Alors seulement il pillera sa maison. Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu'ils auront proférés. Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il n'aura jamais de pardon. Il est coupable d'un péché pour toujours. » Jésus parla ainsi parce qu'ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur. »

Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler. Une foule était assise autour de lui ; et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors : ils te cherchent. » Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une s?ur, une mère. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 3, 20-35