Homélie du 30 juin 2024

Jeune fille, je te le dis, lève-toi !

13ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine I du psautier) - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Une homélie de Marguerite ROMAN

Dieu n'a pas créé la mort .... et pourtant nous mourons

Jésus réanime la fille de Jaïre ... mais elle mourra comme nous tous au terme de son existence terrestre

Et que vient faire la femme aux pertes de sang au milieu de cette histoire ?

De quelle mort s'agit-il en fin de compte ?

Il a tout créé pour que tout subsiste / ce qui naît dans le monde est porteur de vie / on n'y trouve aucun poison de mort

Est-ce vraiment là ce que nous constatons dans le monde réel, au loin ou autour de nous ? Guerres, famines, mort violentes sont partout (et l'ont toujours été)

De quelle mort parlons-nous ?

Relisons le premier passage du Livre de la Sagesse :

1, 13-15 : Car Dieu n'a pas fait la mort,
il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
En effet, il a tout créé pour que tout subsiste ;
ce qui naît dans le monde est porteur de vie :
on n'y trouve aucun poison de mort.
 et l'Hadès ne règne pas sur la terre,
CAR LA JUSTICE EST IMMORTELLE.

Première observation : chaque occurrence de «  mort  » ou «  mourir  » fait l'objet d'une

(2), la clé de compréhension se trouve dans l'affirmation CAR LA JUSTICE EST IMMORTELLE.

Ce qui est immortel, c'est donc la justice - ce qui nous éloigne d'une certaine idée de l'immortalité selon laquelle l'humain vivrait sur terre sans jamais mourir.

C'est encore plus clair si nous lisons la phrase qui précède immédiatement notre passage :

Ce qui est en jeu, c'est donc bien d'une certaine attitude des humains qui, en les portant à s'éloigner de la justice de Dieu les conduit à une certaine forme de mort.

On remarquera la mention de «  l'œuvre de vos mains  » qui désigne généralement les idoles que l'homme se crée lui-même pour combler ses désirs. Dans la Bible, ce sont en général des faux dieux, ou des fausses représentations de Dieu. Dans le monde moderne, l'œuvre de nos mains est plus fréquemment liée à un appétit immodéré de pouvoir, de puissance, d'argent, de choses à posséder, soit toutes sortes d'idoles à qui nous confions le soin de combler nos appétits de bonheur. En fait, ce sont aussi de faux dieux...

Dans l'évangile du jour, il ne s'agit plus de grands principes de sagesse et de vie ; le récit nous donne à voir Jésus agir directement dans deux cas différents mais bien concrets, ou bien concrets mais différents.

Le chef de la synagogue vient ... Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie avec insistance : « Ma petite fille est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains POUR QU'ELLE SOIT SAUVEE ET QU'ELLE VIVE. »

Il est donc question de vie et de mort, d'être sauvée de la mort qui guette.

Mais le récit est interrompu par une autre histoire : une femme anonyme souffrant d'une perte de sang depuis 12 ans, vient sans rien dire ouvertement ni même se manifester, «  Elle se disait en effet : 'Si je parviens à toucher ne fût-ce que son vêtement, JE SERAI SAUVEE.' »

Dans ce récit, tout est dans la démarche de la femme. Jésus ne fait rien ; il sent qu'une force sort de lui et la femme sent que son hémorragie est stoppée. Devant l'interrogation publique de Jésus, «  la femme, apeurée et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.

ECOUTONS LA REPONSE : Jésus lui dit : « MA FILLE, TA FOI T'A SAUVEE. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

Comme pour la fille de Jaïre, il s'agit d'être sauvée mais de quelle sorte de mort ? puisque cette femme est en vie.

En réalité, elle a besoin d'être sauvée d'une mort sociale et religieuse car la perte de sang - symboliquement la perte de notre principe vital - la coupe de toute vie sociale et lui interdit la participation à la vie religieuse de la communauté. Oui, on peut mourir socialement tout en étant apparemment en vie.

Dorénavant, la femme n'aura plus à choisir entre se cacher et se tenir à l'écart ou mentir sur son état qui la rend impure pour avoir un minimum de vie sociale. Désormais, comme devant Jésus, elle pourra vivre en vérité. Une dimension essentielle du salut dont Jésus parle.

Et Jaïre ? (que le récit a laissé en plan).   On vient lui annoncer que sa fille est morte et que ce n'est plus la peine de «  déranger  » le Maître.

Sa confiance initiale va-t-elle être assez forte devant la victoire annoncée de la mort ?

Nous ne le saurons jamais puisque c'est Jésus qui prend immédiatement l'initiative

- d'abord en l'exhortant à une attitude de confiance : « N'aie pas peur, crois seulement. » à l'instar de la confiance de la femme

- et ensuite en allant chez lui

Chassant tout le décorum de la mort, Jésus affirme qu'elle n'est pas morte mais qu'elle dort ......... alors même que «  dormir  » est un euphémisme pour dire la mort ;

et il lui ordonne de se lever ..........alors même que «  se relever  » est un des verbes qui dit la résurrection. Il l'a prise par la main, comme dans les icônes de la Résurrection

Et bien sûr, en l'entendant qu'elle dort, les ricaneurs avaient ricané. En réalité, en parlant ainsi, c'est Jésus qui se moque de la mort, qui nie qu'elle puisse avoir le dernier mot : lui qui est le Verbe fait chair - l'incarnation de la Parole éternelle du Père -, il croit et rend manifeste que la puissance de la Mort ne règne pas dans le monde, comme l'affirme le livre de la Sagesse (1,15).

Arrivés à ce point, nous pouvons maintenant relire le deuxième passage de la première lecture qui complète le «  Dieu n'a pas fait la mort  » en affirmant :

«  Dieu a créé l'être humain pour l'incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre éternité.  » (Sg 2,23-24) soit une autre manière de dire que Dieu a créé l'humain à son image (Gn1)

«  Mais par la jalousie du diable la mort est entrée dans le monde ; ils en font l'expérience, ceux qui prennent son parti.  »

Et où voit-on dans la Bible la première rencontre entre le diable et la mort?

dans le jardin en Eden, Dieu, après avoir créé, formé et fait toute la création (qui est bien et même très bien - «  Dieu n'a pas fait la mort), Dieu donc prévient Adam (l'humain - et peut-être bien l'humanité, et en tout cas chacun de nous) : «  Si tu outrepasses la limite 'de manger de tout arbre sauf un,) mourir tu mourras  »

Sous la forme du serpent, le Diviseur (c'est ce que signifie le mot «  diabolos  » en grec qui a donné «  diable  » en français) persuade Adam et Eve de se méfier de Dieu - ce qui est bien le contraire de la confiance demandée à Jaïre, de la foi dont la femme a fait preuve.

Ils mangent et ........... non, ils ne meurent pas !! Et en même temps, si !

Ce qui est mort.

c'est la relation de confiance entre Adam et Dieu (j'ai eu peur, je me suis caché).

la relation entre Adam et Eve (la femme que tu m'as donnée, c'est à cause d'elle que j'ai mangé)

la relation d'harmonie entre l'humain et la création.

Alors, non,  «  la Mort ne règne pas dans ce monde, pour ceux qui « aiment la justice » (Sagesse 1,1). Mais il est une façon d'être et de se comporter qui donne à la mort le pouvoir de corrompre la vie à la racine, car « l'esprit saint est mis en échec quand survient l'injustice » (Sagesse 1,5).

 

C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde

Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu'ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n'y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.

Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l'expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

- Parole du Seigneur.

Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24

Je t'exalte, Seigneur : tu m'as relevé, tu m'épargnes les rires de l'ennemi. Seigneur, tu m'as fait remonter de l'abîme et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles, rendez grâce en rappelant son nom très saint. Sa colère ne dure qu'un instant, sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes, mais au matin, les cris de joie. Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie.

Que mon c?ur ne se taise pas, qu'il soit en fête pour toi, et que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce !

29 (30), 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13

Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres

Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d'empressement et l'amour qui vous vient de nous, qu'il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s'est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s'agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s'agit d'égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu'ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l'égalité, comme dit l'Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n'eut rien de trop, celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien.

- Parole du Seigneur.

2Co 8, 7.9.13-15

Jeune fille, je te le dis, lève-toi !

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l'autre rive, et une grande foule s'assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et qu'elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu'elle l'écrasait.

Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans? - elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré - ? cette femme donc, ayant appris ce qu'on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l'instant, l'hémorragie s'arrêta, et elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu'une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t'écrase, et tu demandes : ?Qui m'a touché ?? » Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t'a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui- ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l'accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l'agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L'enfant n'est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l'enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l'enfant. Il saisit la main de l'enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher - elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d'une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 5, 21-43