Homélie du 28 juillet 2024

 Ils distribua les pains aux convives, autant qu'ils en voulaient 

17ème dimanche du Temps Ordinaire (psautier I), année B - Année B

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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Nous connaissons tous assez bien ce miracle de Jésus : il est relaté 6 x dans les évangiles. Le scénario le plus commun est celui-ci : un jour, après avoir exercé son ministère de guérison, de consolation ou de prédication, Jésus décide de se retirer seul dans un endroit désert. Mais les foules cherchent à le suivre ; finalement, elles le trouvent ; alors voyant «  une foule nombreuse sans berger  », Jésus en a pitié et il se met à les enseigner. Le soir vient, il est tard et les disciples lui proposent de renvoyer cette foule parce qu'il n'y a rien pour les nourrir. Non, leur dit Jésus : «  nourrissez-les vous-mêmes  ». En réponse, les disciples objectent : nous n'avons que 5 pains et deux poissons à notre disposition ! C'est alors que commence le miracle de la multiplication des pains.

Pour les évangiles synoptiques, ce miracle est avant tout destiné aux disciples : vous devrez nourrir vous-mêmes les foules affamées qui crient dans le désert leur faim et leur soif d'être nourris. Le peu de pain dont vous disposez suffira car l'Esprit multiplie à l'infini les dons de Dieu que vous avez reçus. Une autre interprétation qui se superpose : la multiplication est une esquisse de l'institution si importante de l'eucharistie qui est elle aussi un partage à l'infini de la parole et du pain qui sont signes visibles de la présence du Christ.

Pour saint Jean, c'est Jésus qui prend l'initiative, «  car il savait bien ce qu'il allait faire  ». Il commence par dire : «  où pourrions acheter du pain pour qu'ils aient à manger ?  » L'apôtre André qui n'est pas loin propose une solution en désespoir de cause : «  il y a ici un jeune homme qui a 5 pains d'orge et 2 poissons  ». C'est bien avec ce peu-là que Jésus va faire un miracle. Nous connaissons la suite du texte (tout le chapitre 6 de saint Jean qu'on appelle discours du pain de vie que nous entendrons les 4 dimanches suivants : Jésus est lui-même le pain de vie descendu du ciel comme la manne que les Hébreux avaient reçue quand ils étaient dans le désert au temps de Moïse. Autre divergence d'avec les synoptiques : Jésus n'est pas parti dans un endroit désert, mais il est monté sur la montagne d'où il va bien sûr donner un enseignement nouveau comme l'avait fait Moïse.

Revenons sur un détail propre à saint Jean : ce garçon perdu au milieu de la foule qui tenait en main 5 pains d'orge et 2 poissons. Je vous propose de suivre le commentaire amusant et lumineux de simplicité d'une dame, protestante, que j'ai lu dans ma préparation (Simone Bernard). Elle imagine que ce garçon était le fils aîné d'une veuve : il était parti pêcher dans un village voisin et y acheter quelques provisions pour nourrir sa famille. Au retour il errait au milieu d'une foule qu'il observait avec curiosité, il ne faisait que son boulot familial : porter des victuailles destinées à sa famille. Il a pu entendre le grand rabbi Jésus qui cherchait de quoi nourrir une foule. Et par hasard quelqu'un lui demande de donner tout ce qu'il avait en main. Il a pu hésiter à céder ce qu'il avait pour le donner à cet homme (Philippe un Apôtre de Jésus) : il ne pouvait quand même pas rentrer les mains vides - sa maman l'aurait grondé ! -, et puis il a dû se dire, car il n'était pas idiot, que les 5 pains et les 2 poissons qu'il tenait dans ses bras ne pouvaient certainement pas suffire pour nourrir toute cette foule ! Et bien, non, il a tout donné ! À qui ? à Jésus qui en a fait un miracle ! Le don total de ce garçon est comme un petit miracle à l'intérieur d'un autre grand miracle. Mais y a-t-il vraiment des petits et des grands miracles ? C'est peut-être ça la question. Je la cite : On peut penser que notre jeune ami va pouvoir emporter de quoi nourrir sa famille. Pourtant lui, dans son élan, n'a pas fait un tel calcul : il a tout donné à Jésus. Nous avons beaucoup à apprendre de ce garçon. Sachons donner spontanément, généreusement, même si notre offrande nous paraît légère. Si petite que soit notre offrande - ou notre action - le Seigneur saura la transformer, l'amplifier pour le bien de tous .

Sans aucun doute c'est une des leçons que nous pouvons retenir de la lecture de cet évangile : Jésus fait des grandes choses, des merveilles, avec les petits riens que nous lui offrons. On peut certes s'extasier ou s'émouvoir sur la grandeur du miracle que Jésus a accompli, - nourrir une grande foule avec quelques pains qu'on lui a apportés et encore ramasser un excédent -, mais il nous donne aussi cette grande leçon : il faut lui apporter le peu qu'on a pour le transformer en quelque chose de prodigieux.

Je vous propose pour finir de regarder maintenant ce récit sous un tout autre angle. Il doit aussi nous faire prendre conscience de cette vérité : l'abondance et la surabondance des grâces divines. Tout ce qui est voulu par Dieu : les maigres offrandes qui sont apportées à Elisée pendant une famine, l'eau de Cana, l'eau puisée par la Cananéenne au puit de Jacob et surtout le pain eucharistique, tout cela est multiplié et distribué à chacun selon ses besoins et cela jusqu'à la fin des temps. (Je ferais cependant cette réserve tout humaine : dans les temps à venir il pourrait manquer de prêtres et de religieux, ces hommes et ces femmes «  qui donnent tout pour les autres ». Et les foules qui sont déjà très désorientées ces temps-ci le seraient encore davantage ! C'est le problème du Bon Dieu ! et je ne sais pas comment il va s'y prendre.)

Si l'on en croit les deux lectures d'aujourd'hui qui se complètent, celle des Rois et celle de l'Évangile, le principal pour Dieu est que les gens aient à manger : «  Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : on mangera et il en restera », dit Élisée l'homme de Dieu ; «  Jésus prit les pains, et après avoir rendu grâce, les leur distribua ; il leur donna aussi du poisson autant qu'ils en voulaient. (...) Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu  ». Dans la prière dominicale, nous implorons aussi Dieu de nous donner notre pain quotidien. Si ce n'est pas de la nourriture solide, c'est le pain venu du ciel : une bonne parole de la messe ou celle d'un proche qui nous a surpris ou qui nous a consolé ; c'est encore un événement, ou une rencontre qui nous a réconforté comme une grâce reçue de Jésus Christ ou de sa mère la Vierge Marie, telle cette demande de l'Apôtre André adressée au garçon perdu dans la foule qui écoutait Jésus de céder toutes ses victuailles destinées à sa famille. Sa récompense fut grande : cela permit de nourrir une foule et il en resta encore qu'il fallut ramasser pour ne rien perdre.

Une autre leçon, ne serait-elle pas que nous n'avons pas à nous soucier de nombre et de quantité : Dieu pourvoira au manque. Le manque de prêtres ou de nourritures à recevoir c'est l'affaire de Dieu. Ne nous tourmentons pas à ce sujet, faisons-lui confiance. Mais sachons donner généreusement comme ce gamin qui ne s'est pas posé 36 questions. C'est lui qui a permis d'éviter une catastrophe, c'est lui qui a tiré d'affaire Jésus et tous les siens. Nous ne connaissons pas son nom, il n'est pas un saint mais il est grand par sa générosité, son élan du cœur. Sans lui, Jésus ne pouvait rien faire, oserions-nous dire. Sans nous non plus, Jésus ne pourra rien faire si nous ne lui ouvrons pas notre cœur.

 

On mangera, et il en restera

En ces jours-là, un homme vint de Baal-Shalisha et, prenant sur la récolte nouvelle, il apporta à Élisée, l'homme de Dieu, vingt pains d'orge et du grain frais dans un sac. Élisée dit alors : « Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent. » Son serviteur répondit : « Comment donner cela à cent personnes ? » Élisée reprit : « Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : ?On mangera, et il en restera.' » Alors, il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur.

- Parole du Seigneur.

2 R 4, 42-44

Que tes ?uvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits.

Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies, fidèle en tout ce qu'il fait. Il est proche de tous ceux qui l'invoquent, de tous ceux qui l'invoquent en vérité.

Ps 144 (145), 10-11, 15-16, 17-18

Il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême

Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte donc à vous conduire d'une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous.

- Parole du Seigneur.

Ep 4, 1-6

Il en distribua aux convives, autant qu'ils en voulaient

En ce temps-là, Jésus passa de l'autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait sur les malades. Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions- nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? » Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car il savait bien, lui, ce qu'il allait faire. Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu'ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d'orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.

À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C'est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu'ils allaient venir l'enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 6, 1-15