Homélie du 4 août 2024

 Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif 

18ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine II du Psautier) - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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JÉSUS PAIN DE VIE

«  Jésus pain de vie  » Les évangiles nous donnent de nombreuses images de Jésus, surtout l'évangile de Jean que nous méditons cet été pendant cinq dimanches. Jésus est le Berger, la Porte, le Chemin, la Lumière. Notez que ce sont toutes des images qui évoquent un service : le rôle du Berger est de garder les brebis ; la porte sert de passage ; le chemin sert à nous conduire dans la bonne direction et la lumière sert à y marcher en sécurité. Ce ne sont pas des images de gloire à contempler avec déférence. Mais Jésus s'exprime ainsi pour nous dire qui il est pour nous. Et la veille de sa mort, pour encore se faire comprendre de ses disciples pas tellement subtils, il s'est présenté lui-même comme le Serviteur, celui qui lave les pieds des hôtes, ses disciples en l'occurrence.

Mais restons aujourd'hui avec cette image du pain qui est la plus parlante, parce que le pain fait partie de notre vie quotidienne. Il est toujours un 'pain de vie' : pour vivre, il faut pouvoir 'manger son pain'. Au début de ce chapitre de l'évangile, lu dimanche dernier, nous avons vu que Jésus a multiplié, distribué le pain. Mais nous savons que, finalement, il s'est lui-même donné, comme du pain. C'est essentiellement de ce don, du don de sa vie, qu'il parle dans ce chapitre, un don merveilleux, gratuit.

Or, ici, paradoxalement, il demande à ses auditeurs de «  travailler (...) pour obtenir la nourriture qui demeure en vie éternelle  ». Comment comprendre cela ?

Il faut pour ça rappeler que les évangiles ne sont pas des comptes rendus sténographiés des discours de Jésus. L'évangéliste Jean écrit cela à la fin du premier siècle, à l'intention des chrétiens de son temps, des fidèles qui célèbrent l'eucharistie avec le pain et le vin, à la mémoire du Christ. En se remémorant les paroles de Jésus, entendues soixante ans auparavant, il veut surtout encourager son assemblée à participer pleinement au mystère qu'ils célèbrent.

En commençant, il leur rappelle donc que, pour participer, il ne suffit pas de dire «  Donne-nous toujours de ce pain !  », ou, comme les Israélites, de se contenter de manger à leur faim le pain venu du ciel. Il ne suffit pas de 'consommer' le mystère ; il faut d'abord, comme dit Jésus, «  travailler à l'œuvre de Dieu  » ; il faut d'abord «  croire en celui qu'il a envoyé  ».

Mes frères, mes sœurs, voilà l'appel qui nous est adressé aujourd'hui.

'Croire', ce n'est pas accumuler des certitudes rassurantes, se rassasier d'évidences ou de 'consolations de la religion', comme on dit. La foi est toujours une démarche, une démarche d'ouverture, pour commencer à suivre Jésus. Il s'agit d'accueillir une responsabilité. L''œuvre de Dieu' est une tâche : oui, elle est l'œuvre de Dieu en nous, mais aussi notre œuvre pour Dieu.

Quand donc nous célébrons dans la foi la Cène du Seigneur, nous rappelons comment Jésus vivait parmi nous, et nous faisons mémoire du dernier repas où il a voulu nous transmettre le plus essentiel de son message. Comme vous le savez, Jésus a commencé par laver les pieds de ses disciples, pour leur laisser cette image que j'ai déjà évoquée, l'image du Maître qui se fait Serviteur pour donner toute son attention à ses disciples, ses amis. Ce n'est qu'après avoir donné cet exemple, qu'il a partagé le pain et la coupe. À ce moment, il a dit : «  Faites ceci en mémoire de moi !  » Et 'ceci', ce n'est pas seulement la communion au pain et au vin, mais aussi toute sa vie, donnée comme du pain, au service de ses frères.

Il est vrai que, quand nous allons à la messe, c'est pour 'recevoir', des grâces, la force pour continuer notre vie quotidienne. Et d'ailleurs nous prions au cours de la messe : «  Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour  ». Devant Dieu, nous sommes toujours des demandeurs, toujours en prière, - mais pas uniquement ! C'est ce que le Seigneur veut nous rappeler en partageant le pain. Il nous demande de ne pas nous contenter de dire, comme les auditeurs de Jésus : «  Donne-nous toujours de ce pain !  » Il demande le partager à notre tour.

Ce mouvement de partage traverse tout l'évangile : «  Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement  » «  Vous avez été pardonnés, pardonnez à votre tour !  » «  Soyez généreux comme votre Père est généreux !  » «  Donnez et on vous donnera ; c'est une bonne mesure, tassée, secouée débordante qu'on vous versera dans le pan de votre vêtement ! C'est de la mesure où vous mesurez qu'il sera mesuré pour vous.  »

Quand donc Jésus nous dit, dans l'évangile d'aujourd'hui, «  Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura pas faim ; celui qui croit en moi n'aura jamais soif.  », il nous rassure que nous pouvons aller de l'avant sur le chemin qu'il nous trace, parce que nous serons toujours soutenus par son Esprit. Nous ne risquons pas de défaillir d'inanition sur ce chemin. Venir à lui, croire en lui, c'est «  aller par le chemin de l'évangile  », comme saint Benoît nous le demande. C'est donner à notre tour tout ce que nous avons reçu. Nous avons reçu gratuitement : c'est pour transmettre, c'est pour continuer le mouvement du don.

C'est pourquoi le nom traditionnel pour l'eucharistie est la 'fraction du pain'. Si nous nous rassemblons ici, ce n'est pas uniquement pour recevoir le pain consacré et le manger, c'est pour partager avec nos frères et sœurs un pain rompu, en sachant qu'à notre tour, notre communion doit devenir une participation à cette rupture, à cette fraction...

Mes frères, mes sœurs, laissons-nous porter par cet appel !

Pour conclure, je laisse ici la parole à une personne qui n'était même pas baptisée, mais qui vivait intensément la vie et la passion de Jésus. À la dernière page de son journal, la veille du jour où elle allait être déportée à Auschwitz, Etty Hillesum écrivait : «  Depuis hier soir, j'assimile un peu de la souffrance infinie qui, disséminée dans le monde entier, attend des âmes pour l'assumer. (...) J'ai rompu mon corps comme le pain et l'ai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils étaient affamés, en grande privation...  »

Oui, partager le pain eucharistique, c'est participer, autant que nous le pouvons, à ce don reçu, pour le continuer et le transmettre en don de nous-mêmes, en toute simplicité, dans notre vie de chaque jour.

 

Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d'Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d'Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d'Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l'épreuve : je verrai s'il marchera, ou non, selon ma loi. J'ai entendu les récriminations des fils d'Israël. Tu leur diras : ?Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.' »

Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s'évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d'Israël se dirent l'un à l'autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu'est-ce que c'est ?), car ils ne savaient pas ce que c'était. Moïse leur dit : « C'est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

- Parole du Seigneur.

Ex 16, 2-4.12-15

Nous avons entendu et nous savons ce que nos pères nous ont raconté : et nous le redirons à l'âge qui vient, les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut, il ouvre les écluses du ciel : pour les nourrir il fait pleuvoir la manne, il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts, il les pourvoit de vivres à satiété. Tel un berger, il conduit son peuple. Il le fait entrer dans son domaine sacré.

Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a

Revêtez-vous de l'homme nouveau, créé selon Dieu

Frères, je vous le dis, j'en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n'est pas ainsi que l'on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l'annonce et l'enseignement que vous avez reçus à son sujet s'accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s'agit de vous défaire de votre conduite d'autrefois, c'est-à-dire de l'homme ancien corrompu par les convoitises qui l'entraînent dans l'erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l'homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

- Parole du Seigneur.

Ep 4, 17.20-24

Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n'était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L'ayant trouvé sur l'autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux ?uvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L'?uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle ?uvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l'Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c'est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura jamais soif. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 6, 24-35