Homélie du 30 mars 2025

 Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie 

4ème Dimanche de Carême, de Lætare - Année C

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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La parabole bien connue de Jésus des deux fils nous fait entrer dans les entrailles divines, dans la miséricorde, cette attitude que nous n'aimons pas toujours parce qu'elle frôle souvent, pensons-nous à tort ou à raison, la lâcheté, l'impunité, la faiblesse. Dans la tradition biblique, la miséricorde ¬ en hébreu ce sont les entrailles maternelles, celles qui étreignent le petit enfant qu'il faut protéger à tout prix ¬, est pourtant ce qui définit le mieux notre Dieu, disait saint Augustin. L'amour de Dieu est un amour miséricordieux. Notre Dieu est infiniment miséricordieux. Qu'est-ce que cela veut bien dire, compte tenu de nos appréhensions humaines à l'égard de cet attribut plutôt divin ? Dieu serait-il faible parfois, par exemple lorsqu'il accueille avec grande joie son fils qui a dilapidé quelque chose du patrimoine familial, son bien commun à lui-même et à ses fils ? Dieu accueillera-t-il dans ses demeures tout homme, quel que soit son péché ? Certains disent cela : Dieu pardonne tout, absolument tout ; l'enfer n'existe pas, ou bien il n'existe plus pour faire échos à une évolution de nos croyances.

Essayons de bien comprendre ce que nous confessons lorsque nous disons que Dieu est miséricordieux. La première chose que j'ai saisi est qu'il ne faut pas confondre la miséricorde avec le pardon, la réduire au pardon. La miséricorde est comme un mouvement du cœur, qui inclut l'empathie, la compassion. La pitié est assez proche, mais aussi l'amour, la générosité et le pardon. En face de la souffrance physique d'un proche, par exemple, je ne puis pas rester insensible : mes entrailles réagissent. Il en est de même devant la souffrance du péché qui inspire la pitié, celle que le péché entraîne immanquablement. La faute comme le malheur éloigne de Dieu, volontairement ou non, consciemment ou non. Le fils cadet est-il un pécheur ? Oui et non. C'est important de faire ce petit détour pour bien comprendre ce qu'est vraiment la miséricorde du Père.

Entrons dans le récit de cette parabole : non, le premier fils, le rebelle, n'est pas vraiment un pécheur parce qu'il aurait voulu quitter son père qu'il n'appréciait pas beaucoup (il ne l'aimait pas ?) et son frère aîné qui l'agaçait peut-être de vouloir rester un homme pieux mais sans grâce. Comme on le dit parfois, le fils cadet de la parabole de Luc est un fugueur qui en avait marre de rester auprès de son Père qu'il estimait incapable de lui apporter le bonheur (nous reviendrons sur ce point car il est proche de la situation de tant de nos contemporains qui tournent le dos à Dieu), et aussi de rester à côté de son frère qu'il trouvait ennuyeux, voire même conflictuel (cohabitation juifs-païens devenus chrétiens).

C'est la souffrance de quitter le toit paternel qui l'a fait revenir, se retourner. Et c'est ce retournement qui a tellement plu au Père et qui a tellement déplu au fils aîné. Les entrailles de miséricorde ont agi chez le Père et non chez lui comme il lui sera reproché. En d'autres termes, la miséricorde n'intervient pas contre le péché comme tel, à l'encontre d'une prétendue culpabilité, mais bien devant la souffrance que le péché entraîne et surtout ce retour à 180° vers la maison du Père. Le Père est infiniment triste que son fils l'ait quitté mais il ne lui en veut pas parce que c'était son droit, sa liberté qu'il lui avait accordée. Et sa joie est immense d'accueillir son fils rebelle qui a tant souffert dans son errement.

Penchons-nous sur le deuxième fils. Lui non plus n'est pas un pécheur : c'est un homme pieux qui recherche sa justification dans une obéissance aveugle et sans amour. Son tort, sa faute fondamentale est qu'il n'aime pas son Père. Mais aussi qu'il n'est pas un modèle pour son frère : il lui manque la joie de l'Esprit, la grâce qui rend la vie agréable. Il râle parce que son père n'a d'yeux que pour celui qui n'est rien à ses yeux. Il croit que son Père ne l'aime pas. Mais en réalité, dit celui-ci, c'est parce qu'il n'a jamais voulu partager les bienfaits de la maison familiale, il s'est situé à côté ou même au-dessus de lui. Son père lui rappelle cette vérité qu'aucun des deux fils ne semblait savoir : «  Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi  ».

Si nous voulons nous approprier les enseignements de cette parabole, on peut se tourner vers le Père. Il y a une nécessité impérieuse d'avoir une image correcte de lui. Sa miséricorde s'étend sur tous les hommes, qu'ils soient pécheurs ou non. Il a horreur non pas tant du péché que de ses conséquences malheureuses. Il aspire à ce que nous choisissions la vie, que nous revenions vers lui en toute liberté pour retrouver le vrai bonheur. Passons à la figure du fils aîné : toujours sûr de lui, et tourné vers lui-même, il ne cesse de s'en prendre aux autres. Ceci me paraît important pour fustiger certains comportements à l'intérieur de l'Eglise ou de nos communautés chrétiennes : se croire très observants, obéissants et pieux et puis critiquer les autres à la moindre occasion au point de créer un climat délétère. Voilà qui n'est pas acceptable si on veut accueillir des jeunes par exemple. La maison de Dieu, pour être attrayante, a besoin de respirer la grâce, la joie, la bonne qualité des relations, la beauté aussi. Ce que je veux insinuer, c'est que la fugue du fils cadet pourrait fort bien être interprétée comme la conséquence presque inconsciente du comportement agressif du fils aîné qui ne mesure pas les effets pervers de ses attitudes négatives. Bref, nous avons la responsabilité de créer dans nos communautés un climat de vie agréable, de non-violence et de liberté.

Pour rester dans l'actualité, je voudrais ajouter une réflexion sur les motifs de désertion assez massive de nos églises. Le départ ou l'éloignement de l'glise d'un grand nombre de personnes, certaines que nous connaissons peut-être, est dû, comme le suggère l'évangile d'aujourd'hui, au fait qu'ils ont tourné le dos à Dieu parce qu'on le trouve inutile, voire gênant (il nous demande d'aller à la messe ou de faire d'autres choses que je n'aime pas). Je crois que c'est la situation de beaucoup d'ex-chrétiens : j'ai mieux à faire que d'écouter un vieux prêtre qui radote ; la vie moderne nous offre tant de bonnes choses. Dieu n'est plus qu'un vague impératif catégorique dont je pourrais même me passer. Il y a aussi cette responsabilité de baptisé que nous exerçons mal. Nous ne donnons pas une image de Dieu qui soit suffisamment positive. «  Ma foi en Dieu n'a jamais été étincelante et je me suis toujours appuyé sur mes coreligionnaires. Si ceux-ci ne produisent pas de bons fruits, si leur témoignage n'est pas très inspirant pour moi, je suis tenté par d'autres expériences, spirituelles ou non  », dira ce déserteur.

Pour conclure, disons ceci : le Père aime ses deux fils ! Mais les deux fils n'aiment pas leur père, l'un parce qu'il a une préférence pour d'autres dieux (qu'il a choisis ou expérimentés), mais lui se convertit ; l'autre parce qu'il a une préférence pour lui-même. Mais une chose est sûre : Dieu a un œil pour ses deux fils, et sur chacun de nous parce qu'Il est miséricordieux ; sa tendresse est sans mesure. Yves de Patoul, osb

 

L'arrivée du peuple de Dieu en Terre Promise et la célébration de la Pâque

En ces jours-là, le Seigneur dit à Josué : « Aujourd'hui, j'ai enlevé de vous le déshonneur de l'Égypte. » Les fils d'Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, en ce jour même, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. À partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu'ils mangeaient des produits de la terre. Il n'y avait plus de manne pour les fils d'Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu'ils récoltèrent sur la terre de Canaan.

- Parole du Seigneur.

Jos 5, 9a.10-12

Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ

Frères, si quelqu'un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c'est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n'a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c'est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché, afin qu'en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.

- Parole du Seigneur.

2 Co 5, 17-21

Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l'écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ?Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.? Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu'il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s'engager auprès d'un habitant de ce pays, qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ?Combien d'ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Traite- moi comme l'un de tes ouvriers.? Il se leva et s'en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ?Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.? Mais le père dit à ses serviteurs : ?Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.? Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s'informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ?Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a retrouvé ton frère en bonne santé.? Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d'entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ?Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !? Le père répondit : ?Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !? »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 15, 1-3.11-32