Une homélie de fr. Bernard poupart
"Vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, mais ce ne sera pas tout de suite la fin ".
Ces mots nous rejoignent bien: nous entendons parler de guerres et de soulèvements, en Syrie, en Iraq, en Afrique. En entendre parler, c'est être à l'abri. Ça ne se passe pas chez nous, même si nous sommes sincèrement solidaires des peuples dans la tourmente, victimes de conflits ou de tremblements de terre. Pouvons-nous imaginer comment les chrétiens de Syrie peuvent lire cette page d'évangile aujourd'hui ? Ou ceux du centre de l'Italie où la terre tremble ? Nous en entendons parler, et nous ne pouvons rien faire d'autre que recueillir toutes ces souffrances dans notre silence.
Les dénonciations dont parle Luc sont aussi actuelles en d'autres pays: un ami iranien m'a écrit comment chez lui des chrétiens convertis secrètement sont dénoncés par les membres de leurs familles. Ils doivent alors compter très fort sur la parole de Jésus: "C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie". Nous ne pouvons les rejoindre que par notre propre persévérance.
Et quand nous lisons: "Il ne restera pas pierre sur pierre", nous revoyons les images de désolation de Mossoul. Nous n'en entendons pas seulement parler, comme on pouvait le faire au temps de Jésus, nous le voyons de nos propres yeux, mais à distance, à l'abri. Et quand jésus dit: "ce ne sera pas tout de suite la fin", nous nous disons: "c'est sans fin".
Nous avons perdu les belles idéologies qui nous promettaient un avenir radieux, le "grand soir" qui était notre version du grand jour annoncé par Malachie, "le jour brûlant où se livra le soleil de justice qui apportera la guérison dans son rayonnement". Cette perte est tragique, car nous allons maintenant vers nulle part. Nous vivons dans un monde qui n'a plus ni orientation ni direction. Nous sommes dans l'incertitude, et je reparlerai prochainement de cette incertitude qui appelle notre courage, le courage de l'incertitude. Ce courage s'appelle l'espérance, et c'est sûrement ce dont nous pouvons et devons témoigner le plus aujourd'hui.
Est-ce de l'inconscience ? Ou une douce illusion ? L'espérance n'est pas ennemie de la lucidité. Elle peut et doit être éclairée et volontaire. Nous ne sommes pas moins conscients que les autres des menaces qui pèsent sur nous. Mais nous voulons être à la fois lucides et confiants. Nous refusons le catastrophisme comme une tentation diabolique. Le mal est là, nous savons l'identifier pour mieux le combattre. mais il n'y a pas que du mal autour de nous. Nous croyons, comme nous le chantons souvent, que Dieu est à l'oeuvre en ce monde. Et si nous le croyons, eh bien: il faut discerner son action et collaborer avec lui. Nous vivons à l'affût de tout ce qui est beau et bon, noble et généreux, pour nous en réjouir et en rendre grâce. Imaginez ce que serait un journal télévisé qui nous montrerait autant la générosité et la bienveillance que tous les drames.
Je conviens volontiers avec vous que les nouvelles de cette semaine n'ont pas été rassurantes. J'ai remarqué, comme vous sans dote, que le mot qui revenait le plus souvent dans les médias et sur les réseaux était l'inquiétude. C'est plus lourd que l'incertitude. Or dans l'évangile, quand il est question d'inquiétude, c'est pour la chasser: "Ne vous inquiétez donc pas" dit Jésus. Il parlait de l'inquiétude du lendemain des pauvres gens qui ne savent pas s'ils pourront manger où se vêtir, et c'était beaucoup leur demander. C'est une bien bonne parole pour nous en ces temps: "Ne vous inquiétez donc pas!" Jésus ne recommande pas l'insouciance, mais la confiance.
Il savait bien toute la peine qu'il faut se donner pour faire vivre sa famille. c'était la peine que s'était donnée son père Joseph et sa mère pour l'élever et faire de lui un homme. Il se donnait lui-même beaucoup de peine pour ses disciples. Il les voyait souvent plus qu'inquiets: ils avaient peur, et souvent aussi dans des situations où qui suscitaient la peur, comme dans la tempête, ou devant les menaces qui se resserraient autour de Jésus. Notre inquiétude actuelle peut aussi susciter notre peur. Mais la peur est malsaine quand il s'agit de la peur des autres. Elle n'est jamais bonne conseillère, nous le savons. c'est donc le moment de de nous rappeler la parole de Jésus dans la tempête: "N'ayez pas peur! c'est moi, je suis là".
En même temps, nous pouvons présenter au Père toutes les peurs qui assaillent les hommes pris dans les conflits si violents, les peurs des parents pour leurs enfants, la peur de la mort chez les grands malades et dans leur entourage. Pour tous ceux-là, et pour nous-mêmes quand nous sommes concernés, relisons le début de la seconde lettre de Paul aux Corinthiens: "Béni soit dieu, Père de notre Seigneur jésus-Christ, le Père de miséricorde et le Dieu de toute consolation" qui nous console dans toute notre tribulation, afin que nous puissions aussi consoler les autres." D'autres traductions parlent de réconfort. Ce qui est attribué ici au Père est encore le propre de l'Esprit: il est le consolateur, il calme les fièvres, il réchauffe et il ranime. Dans nos inquiétudes et pour notre espérance, il faut appeler l'Esprit sans cesse. Il semble vouloir qu'on l'appelle. Je peux bien vous confier que chaque matin je prie le Veni Creator ou le Veni sancte Spiritus et si j'ai la simplicité de vous le confier, c'est pour vous inciter à le faire. Il faut qu'un grand appel à l'Esprit sur le monde monte de toute l'Eglise. Parce qu'il est Esprit de Paix, de lumière et de charité.
Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l'impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, - dit le Seigneur de l'univers -, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.
- Parole du Seigneur.
Ml 3, 19-20a
Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ; au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !
Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ; que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie.
Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture !
Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 9
Frères, vous savez bien, vous, ce qu'il faut faire pour nous imiter. Nous n'avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ; et le pain que nous avons mangé, nous ne l'avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n'être à la charge d'aucun d'entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d'être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter. Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. Or, nous apprenons que certains d'entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu'ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu'ils auront gagné.
- Parole du Seigneur.
2 Th 3, 7-12
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, comme certains disciples de Jésus parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d'arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : ?C'est moi', ou encore : ?Le moment est tout proche.' Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l'on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l'esprit que vous n'avez pas à vous préoccuper de votre défense. C'est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s'opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d'entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C'est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 21, 5-19