Homélie du 15 septembre 2024

 Tu es le Christ… Il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup 

24ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine IV du Psautier) - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Nous avons aujourd'hui un évangile copieux et contrasté. Il y aurait tant à dire, dès le premier paragraphe, et surtout à propos de la fin : «  Celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'évangile, la sauvera  ». Essayons de voir ce que nous pouvons en retenir aujourd'hui.

Et d'abord de la première partie, avec la fameuse question : «  Et vous, que dites-vous ?  » 

À cette question, on a la 'bonne réponse' de Pierre : «  Tu es le Christ !  ». En saint Luc, dans le passage parallèle, il répond : «  Tu es le Christ de Dieu  » ; en Matthieu, Pierre dit : «  Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Faut-il encore chercher ailleurs, une meilleure réponse ?

Mes frères, mes sœurs, il ne suffit pas de bien connaitre son catéchisme et d'avoir la bonne réponse, pour être chrétien. Pour que notre foi soit vivante, et pas seulement habituelle, réflexe, il importe de se demander quel est actuellement notre rapport personnel avec le Seigneur. Entendre l'évangile aujourd'hui, c'est donc entendre Jésus nous demander : «  Et toi ? pour toi, qui suis-je ?  » Qui est Jésus pour moi, Pierre, Paul, Jacques, André, aujourd'hui, - et qui suis-je pour lui, d'après ce que je connais de lui par l'évangile ? La vraie connaissance est toujours mutuelle.

On parle souvent du Christ aujourd'hui, par exemple en réponse à ce philosophe français, Michel Onfray, qui a récemment écrit un livre où il prétend que Jésus n'a jamais existé. Ou on évoque ce le pape François vient de dire aux foules d'Asie. Tout ce qu'on dit de lui, nous concerne et nous interpelle. Mais la connaissance du Christ dans la foi, dans une foi personnelle, est encore à un autre niveau.

Parce que nous avons probablement tous été touchés, un jour, par une parole de l'évangile, une béatitude, une attitude du Christ, une parabole, ou encore une image de lui, une icône, ou peut-être aussi par l'exemple d'un ami pour lequel la personne du Christ était importante, bref nous avons pu avoir un certain contact personnel. Pas seulement la découverte d'un personnage historique remarquable, mais une rencontre avec une personne qui nous interpelle, ou nous questionne. C'est de cela qu'il s'agit ici. Car c'est d'une telle expérience qu'il faut toujours repartir.

En entendant cet évangile aujourd'hui, nous sommes donc invités à personnaliser notre foi. Et pas seulement personnaliser au sens d'en acquérir une connaissance personnelle. Le connaitre, c'est le suivre. C'est mettre en œuvre cette foi, en réalisant personnellement son message de paix, de service, de réconciliation... c'est ce que nous avons entendu dans l'épître de saint Jacques : «  Celui qui n'agit pas, sa foi est bel et bien morte. C'est par mes actes que je montrerai ma foi !  »  

Mais à la base de cette collaboration avec le Seigneur, au service de tous nos frères et sœurs, il nous faut encore développer notre communion avec lui. Comme l'écrit saint Paul : «  Il s'agit de le connaître, Lui, avec la puissance de sa Résurrection et la communion à ses souffrances  ».

Et nous voilà déjà à la deuxième partie de cet évangile.

Le contraste est saisissant. L'apôtre Pierre avait reconnu en Jésus le Christ, le Christ, le Messie du Seigneur. Avec lui, l'Envoyé de Dieu, tout était possible, désormais. Cela avait été dur de quitter la famille, la maison la barque et les copains, mais à présent, puisque nous sommes avec un tel personnage, nous sommes du bon côté !

Et puis Jésus enchaine immédiatement en annonçant son destin terrible : il devra beaucoup souffrir, être rejeté, tué... et finalement ressusciter. Pierre réagit évidemment pour le rappeler à l'ordre : 'ce n'est pas comme ça que cela doit se passer pour le Messie de Dieu !' Mais la réponse de Jésus est encore plus violente : «  Arrière, Satan !  »

Tout cela n'est qu'une introduction à ce message important que Jésus veut dire à «  la foule avec ses disciples  », à nous tous, - tous ceux qui, comme nous, le reconnaissent pour ce qu'il est vraiment. Il dit : «  Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'évangile, la sauvera.  »

Mes sœurs, mes frères, comment allons-nous entendre aujourd'hui une parole aussi rude ? Parole redoutable, abrupte, comme il y en a quelquefois dans les évangiles. Et c'est une parole adressée à tous, Jésus s'adresse : «  à la foule et à ses disciples  ».

Réfléchissons donc à cette curieuse injonction «  Perdre sa vie  »...

Il faut d'abord écarter une compréhension qui circulait jadis dans nos milieux cathos : pour gagner le ciel, il faut renoncer aux plaisirs de notre terre, et : supporter patiemment les souffrances est très payant pour obtenir une bonne place au ciel. Non ! Jésus ne demande pas de chercher à perdre sa vie ! Vouloir perdre sa vie est inhumain, suicidaire, c'est bête. Par contre s'engager 'à corps perdu' dans un travail important, même risqué, c'est malin ! Et même si le travail n'est peut-être pas très important, ni particulièrement risqué, mais s'il est fait de tout cœur, sans retour sur soi, vraiment donné, il peut être une belle occasion de 'perdre' pour 'gagner'. Perdre du temps, dépenser une grande énergie, dans des tâches très simples, apparemment en pure perte, peut en effet être une réalisation importante d'amour, même si nous ne nous en rendons pas compte nous-même à ce moment. Au contraire, il y a moyen de vivre de travailler, de rencontrer les gens avec l'unique souci de gagner sa vie, gagner, épargner, accumuler, bref en restant bloqué au niveau de l'avoir et du pouvoir. Mais, en réalité, c'est là une vie perdue pour l'essentiel.

C'est en ce sens que nous pouvons comprendre ce texte d'aujourd'hui où il est question de perdre sa vie pour Jésus et pour l'évangile. Vous me direz : Jésus vivait il y a très longtemps... Est-ce qu'il nous voit faire ? ... Mais si nous le connaissons personnellement, au plus intime de notre vie, comme je l'évoquais il y a un instant, dans la prière et à la source de notre engagement vital, nous pouvons comprendre cela. Oui, choisir de vivre selon, pour l'évangile, pour contribuer à développer ce Règne de justice et de paix est un beau choix qui nous est proposé chaque jour. Gagner sa vie en la donnant.

 

J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient

Le Seigneur mon Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c'est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c'est pourquoi j'ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu'un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu'un veut-il m'attaquer en justice ? Qu'il s'avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?

- Parole du Seigneur.

Is 50, 5-9a

J'aime le Seigneur : il entend le cri de ma prière ; il incline vers moi son oreille : toute ma vie, je l'invoquerai.

J'étais pris dans les filets de la mort, retenu dans les liens de l'abîme, j'éprouvais la tristesse et l'angoisse ; j'ai invoqué le nom du Seigneur : « Seigneur, je t'en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié, notre Dieu est tendresse. Le Seigneur défend les petits : j'étais faible, il m'a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort, gardé mes yeux des larmes et mes pieds du faux pas. Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.

Ps 114 (116 A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9

La foi, si elle n'est pas mise en ?uvre, est bel et bien morte

Mes frères, si quelqu'un prétend avoir la foi, sans la mettre en ?uvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu'un frère ou une s?ur n'ait pas de quoi s'habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l'un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n'est pas mise en ?uvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j'ai les ?uvres. Montre-moi donc ta foi sans les ?uvres ; moi, c'est par mes ?uvres que je te montrerai la foi. »

- Parole du Seigneur.

Jc 2, 14-18

Tu es le Christ? Il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup

En ce temps-là, Jésus s'en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, un des prophètes. »

Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.

Il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu'un veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile la sauvera. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 8, 27-35